jeudi 9 juin 2016

3 – Du quantitatif au qualitatif (Suite) - Denis Donikian

Bundestag

3 – Du quantitatif au qualitatif

 Immédiatement après le vote du Bundestag en faveur de la résolution concernant le génocide des Arméniens et des minorités chrétiennes en 1915-1916, le président Erdogan, en chef d’orchestre paranoïaque, a déclenché le hallali contre Madame Merkel et ces députés d’origine turque qui seraient selon lui le bras prolongé du tant honni PKK. En fait, quand on déplaît à Erdogan, on entre automatiquement dans la catégorie de terroriste. On l’a vu avec les députés du HDP (Parti démocratique des peuples) et on se demande si bientôt Madame Merkel ne va bénéficier d’une même appellation. Si les Arméniens de par le monde se sont réjouis du camouflet adressé par des Européens à cette Turquie négationniste qu’ils ne cessent depuis cent ans de rappeler à l’ordre, ils se sont aussi rendus compte combien ces cent années de combat n’ont toujours pas réussi à infléchir la conduite morale de ces Turcs droits dans leurs bottes, acharnés à nier les événements de 1915. Ils se disent que ces mêmes Turcs sont d’indécrottables génocidaires, qui non contents de fabriquer du génocide sont aussi capables de nier l’histoire des faits. Partant de là, ils calculent que si cent années de militantisme en faveur de la reconnaissance par la Turquie n’a entrainé que cent années de négationnisme, ni les Arméniens d’aujourd’hui ni leurs petits-enfants ne verront le vert soleil de la vie revenir sur les terres arméniennes dont furent chassés leurs ancêtres. Il est vrai qu’un bon génocide pour un Turc est un génocide réussi, un génocide qu’on oublie. Mais comment oublier justement que ce génocide-là est inscrit dans les gênes des Arméniens ? Et que tant qu’il ne sera pas reconnu par leur auteur historique, les Arméniens n’auront pas de repos. On peut même gager que cette mission que se sont donnée les Arméniens n’est pas près de s’éteindre, ni avec eux, ni avec les générations qui suivront. Mais ils devraient savoir qu’un jour ou l’autre tout finit par basculer, car le monde politique qui tend vers plus de moralisation est de plus en plus avec eux. Plus les Arméniens accumuleront leurs accusations à coup de commémorations, livres, débats, reconnaissances par les pays, plus la Turquie sera cernée par le feu et sera condamnée par l’opprobre et la paralysie. Qui ferait confiance à un pays qui nie ses crimes ? Qui voudrait comme partenaire transparent un pays fondé sur le mensonge ? Et donc, la loi du quantitatif se muant en qualitatif jouera en faveur de cette reconnaissance par le criminel, qu’il le veuille ou non. En attendant ce jour, les Arméniens sont condamnés à persévérer dans la voie où ils se sont engagés depuis toujours, la voie obstinée de la mémoire.

D. Donikian

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