vendredi 15 février 2013

Quel est ton nom ?... Denis Donikian


Je m’appelle Denis Donikian. Denis, parce que mes parents, qui n’avaient pas l’esprit inventif, ont suivi la suggestion de ma sœur qui n’avait pas non plus l’esprit très inventif. Mais Denis, c’est joli. Vos proches ne savent pas en général qu’un prénom ne se prononce pas toujours seul. Et qu’il faut qu’il soit en harmonie minimum avec le nom. Mon prénom arménien étant Donabed, je vous laisse deviner pourquoi j’ai horreur de la répétition. Laquelle se retrouve même dans ma date de naissance : 19 mai 19…

Un jour, à Erevan, j’ai été présenté à un grand peintre. Imaginez : «  Je vous présente Hagop Hagopian. – Enchanté. Je me présente : Denis Donikian ». Je n’ai pas ajouté Donabed, car je ne suis pas un fêtard, ni l’équivlent d’un Dionysos, dieu de la vigne et du vin. Hagop Hagopian est un grand peintre, mais un peintre répétitif. Ce n’est pas Picasso. Il a un style reconnaissable. Des couleurs reconnaissables elles – aussi. C’est sa marque de fabrique. Lui est en accord avec la répétition qui désigne son identité. De mon côté, j’ai toujours écrit contre toute imitation de moi-même. Mes livres ne se ressemblent pas.

Les Français ont du mal à croire que mon prénom se retrouve dans mon nom. Ils pensent qu’ils s’agit d’une erreur ou d’une plaisanterie. Alors, ils disent Donakian. Mais je n’aime pas Donakian.

Si je voulais chicaner, je dirais que mon nom est un nom d’emprunt, un nom par accident. Au moment où il s’apprêtait, comme beaucoup d’autres réfugiés, à quitter le Liban pour la France, mon père n’était pas présent lors de l’établissement de son passeport. Un ami, qui ignorait son nom véritable, savait seulement que c’était le fils de Dono. Le préposé aux passeports a inscrit Donikian. Si mon père, qui était boiteux, n’avait pas traîné la jambe, j’aurais porté le nom de Kechichian ou Kechedjian, comme ma tante, boiteuse elle aussi, qui en se mariant avec un réfugié mal-voyant en partance pour l’Amérique, a perdu le sien définitivement.

Je n’ai jamais vraiment cherché à savoir ce que signifiait kechich ou kechedj, mot turc. Et il me plaît que la racine de mon nom Donikian ne dise rien à personne, qu’elle ne soit pas rattachée à quelque chose d’immédiatement déchiffrable, comme Dolmadjian, Papazian ou autres.

Les nom et prénom mis bout à bout de certains Arméniens de la diaspora renferment toute leur histoire. Et plus précisément leur identité turque, arménienne et française, américaine ou russe…. Si je prends Dolmadjian Bernard, je peux le décomposer en dolma ( mot turc), ian ( désinence arménienne), Bernard ( prénom français). Il ne faut pas être sorcier pour comprendre que les racines arméniennes de Dolmadjian Bernard se trouvent en Turquie et que ses ancêtres ont subi la domination ottomane.  Que sa famille s’est ensuite réfugiée en France. Le –ian d’un tel nom  est donc coincé entre deux cultures. Une culture qu’on abandonne et une culture qu’on adopte. Une culture de harcèlement et une culture de secours. Car l’histoire de cette appellation identitaire est en elle-même une tragédie. Elle évoque un exil, un arrachement. Dolmadjian Bernard porte l’histoire arménienne d’un asservissement et d’une salvation. L’histoire d’une assimilation forcée en Turquie et d’une assimilation feutrée en France. Et notre Dolmadjian Bernard devra vivre avec le sceau de l’opprobre absolu sur son  nom et le sens de son salut relatif dans son prénom. Comme il est dans son nom, son bourreau se rappellera constamment à la mémoire de sa victime. Car le meurtre ne finit pas. Dolmadjian Bernard vit cette culture du mépris qui continue encore à le mépriser et à lui récuser le titre d’homme. Mais Bernard lutte constamment contre ce mépris et constamment doit revendiquer son humanité en la prouvant dans un pays qui le respecte à condition qu’il s’y perde.

On pourrait croire que l’histoire de Dolmadjian Bernard s’arrête là. Mais non. L’histoire de Dolmadjian Bernard n’est pas une affaire d’identité administrative. C’est une affaire qui n’est pas réglée. Une affaire d’âme. Son nom, Dolmadjian Bernard ne le porte pas, il le souffre. Il voudrait bien n’être que Bernard, mais il se sentirait amputé. Il s’amputerait de tous ses ancêtres qui ont vécu, souffert et qui ont enduré la mort afin que lui, Dolmadjian Bernard, il soit. Il n’est pas de ceux qui se coupent de leur –ian ou qui change de nom. Aznavour, Henri Verneuil, que sais-je encore. De toute manière, Dolmadjian, Bernard sent que ce « Dolmadjian Bernard » est consubstantiel à sa personne. Et cette racine turque dans le fond, il la veut car c’est la laisse qui le rattache au souvenir de sa terre. C’est cette entrave qui le fait aboyer ubi et orbi afin que le chien qu’on a voulu faire de lui retrouve un jour son droit à être un homme à part entière.

Une affaire d’äme donc. D’une âme travaillée par le souvenir d’une terre qu’il n’a jamais vue. Car dans le fond, c’est ce paradoxe qui constitue le nœud de son drame. Il est hanté par une terre qu’il n’a jamais vue. Mais il sait que son nom, peut-être, se sentirait apaisé au milieu des paysages que ses ancêtres ont vus, où ils ont souffert et où ils ont péri.
Seulement voilà. Sa vie ne verra pas ce moment des retrouvailles de l’âme avec le sol ancestral. Il le sait. Le sol ancestral a été effacé, néantisé, désarménisé. Le Malatia arménien n’est plus. Le Mouch arménien n’est plus ; ni l’Adana arménienne… Il y a bien une Arménie où pourrait vivre, faute de mieux, Dolmadjian Bernard. Mais ce n’est pas l’Arménie de ses pères. Ce n’est pas l’Arménie qu’ils ont vue, où ils ont souffert, où ils furent assassinés. C’est, comme je l’ai écrit un jour, « une nôtre Arménie ». Ni tout à fait la nôtre, ni tout à fait une autre.

Dès lors, Dolmadjian Bernard n’a pas d’autre patrie que son drame.

Denis Donikian

jeudi 14 février 2013

Si dans ton coeur


Si dans ton coeur
brûle la flamme d'amour
qu'avant moi
un autre a allumé
dis-le moi chérie
ne sois pas gênée
tu n'es pas fautive
C'est moi
qui ai trop tardé

Anonyme

Je crois entendre encore ... (Bizet)




Les pêcheurs de Perles - Bizet
Romance de Nadir

La voix qu'il faut pour atteindre en douceur la note finale ...
que certains chanteurs abandonnent aux instruments 

mercredi 13 février 2013

Mon dieu grec


Je t'appelais 
mon dieu grec.
Ta beauté, 
un modèle que n'auraient pas boudé
 Michel Ange, Léonard de Vinci,   
en était un parfait témoignage
qui émanait autant de tes traits
que de ton être intérieur ;
d'aussi loin qu'il m'en souvienne
depuis ta plus tendre enfance
ton regard s'est posé serein 
sur toutes choses
et quand au fil des années
ta nature remarquable
 s'est affirmée
ce fut toujours
dans le respect des autres
 jamais tes jugements
ne furent des couperets
tranchants, au contraire ;
ta nature authentique
ton aura lumineuse
t'attirent les amitiés sincères
et durables ;
tu as su, toujours, puisant en toi
courage, optimisme, sagesse,
 surmonter les difficultés de ta vie,
la perte d'illusions parfois
qui égratignent le coeur,
sans y laisser pourtant
ta grandeur d'âme.
Mon fils,
loup digne et solitaire,
tu es un grand seigneur
et je suis fière de toi.

Dzovinar

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lundi 11 février 2013

L'adolescence - "Au tire-bouchon"


(voir : L'Adolescence - "Au tire-bouchon" )

Il existait à Montmartre ...

"CAR LA PLAIE A UNE MEMOIRE ET LE COUTEAU UN APPETIT " - Denis DONIKIAN

 Exposition à Erevan (Arménie) - (Peintre arménien)

La plaie et le couteau

Je suis pour le rapprochement des peuples. Les hommes ne deviendront des hommes que le jour où ils s’inviteront à la même table pour se partager une même pizza.

Mais attention ! Cette table devra être ronde et la pizza prédécoupée en parts égales. C’est ainsi que veut faire l’Europe : partager les mêmes valeurs.

Seulement voilà : les valeurs ne conviennent pas aux voleurs. Toute valeur est contraignante, à commencer par l’obligation d’avoir à vivre avec l’autre.

Dans le partage de ces valeurs, les hommes qui sont assis à la même table n’ont pas la même identité. Les uns arrivent avec une plaie en plein cœur, les autres avec un couteau entre les dents.

Tout le problème du rapprochement des peuples est de faire dialoguer la plaie et le couteau. Car la plaie a une mémoire et le couteau un appétit. Et la mémoire est un passé dans le présent, l’appétit un présent dans le futur.

Je rêve qu’un jour la ville de Catane en Sicile soit jumelée avec le Vatican, que Lassa le soit avec Pékin, et Erevan avec Ankara.

Je rêve qu’un jour Washington soit jumelée avec la forêt amazonienne, le Japon avec les baleines, les voitures avec l’air, les agriculteurs avec les nappes phréatiques, l’argent avec le bonheur, les hommes avec l’humanité.

Moi avec mon ennemi et mon ennemi avec moi.

Denis Donikian (Novembre 2004)


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dimanche 10 février 2013

LE COMBAT CONTINUE (2)




Le dragon arménien - pastel Dzovinar

"Il ne suffit pas de pleurer pour souffrir. Il ne suffit pas de souffrir pour mourir. Il ne suffit pas de mourir pour avoir raison. Il faut montrer la barbarie du bourreau. Sinon le crime contre l’humanité n’est qu’un crime."
 Nikos Lygeros

Nouvelle proposition de loi


N° 690
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2013.

PROPOSITION DE LOI
tendant à la transposition en droit interne de la Décision-cadre 2008/913/JAI du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, (Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Valérie BOYER, Olivier AUDIBERT-TROIN, Marcel BONNOT, Charles de LA VERPILLIÈRE, Guy TEISSIER et Dominique TIAN, députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 29 mai 1998, l’Assemblée nationale adoptait, à l’unanimité, une proposition de loi dont l’article unique disposait : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. » Ce jour fut doublement historique. D’une part, la Représentation nationale réintégrait le peuple arménien dans sa dignité de victime du premier génocide du vingtième siècle. D’autre part, le Parlement français, en écho à la résolution du Parlement européen du 18 juin 1987 faisant de la non-reconnaissance de ce génocide par la Turquie actuelle un obstacle incontournable à l’examen de sa candidature à l’Union européenne, jetait un pont sur des faits dont la réalité historique n’est pas sérieusement contestable et rappelait la France à son engagement solennel. La République, réaffirmant derechef son profond attachement au principe absolu de la dignité humaine, n’a pas, à cet égard, oublié la déclaration commune des gouvernements de l’Entente, savoir France, Angleterre et Russie, qui se sont mis en devoir, dès le 24 mai 1915, soit un mois, jour pour jour, après le premier acte d’exécution de l’entreprise génocidaire de l’État turc ayant débuté avec l’arrestation de six cents notables et intellectuels arméniens de Constantinople, le 24 avril 1915 et s’étant prolongée dans les semaines qui ont suivi par des massacres systématiques de masse, de mettre en garde la urquie contre ces forfaits, dans les termes suivants : « En présence de ces nouveaux crimes de la Turquie contre l’humanité et la civilisation, les gouvernements alliés font savoir publiquement à la Sublime Porte qu’ils tiendront personnellement responsables desdits crimes tous les membres du gouvernement ottoman ainsi que ceux de ses agents qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres. »

La notion de crime contre l’humanité venait de naître, s’ajoutant, ainsi, aux deux infractions de caractère international déjà retenues par la Convention de La Haye de 1907, savoir le crime contre la paix et le crime de guerre. Après bien des avatars, la proposition de loi de 1998 devint une loi de la République – loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 – devant, comme toute loi, être exécutée «comme loi de l’État ». Cependant, le travail législatif restait inachevé dès lors que la protection juridictionnelle qui fut, de façon hautement légitime, accordée aux victimes des crimes nazis par la loi dite Gayssot du 13 juillet 1990, était refusée à la mémoire des victimes du Génocide arménien, ainsi qu’à celle des victimes de la traite et de l’esclavage (loi n° 2001-434 du 21 mai 2001), créant et entretenant, par cette abstention fautive, une discrimination que notre Constitution condamne puisqu’elle consacre, à l’inverse, le droit à « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 – ci-après « DDH » – et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958).

Ainsi, plusieurs propositions de loi tendant à l’incrimination et la répression des contestations du Génocide arménien furent déposées ; le Sénat se trouve, à l’heure actuelle, toujours saisi d’une de ces propositions de loi votée le 12 octobre 2006 par l’Assemblée nationale. Aux esprits sceptiques contestant au Parlement le droit de « faire l’histoire », il fut aisé de répondre qu’en reconnaissant un crime contre l’humanité, comme le Génocide arménien ou la traite et l’esclavage, le législateur français ne fait pas l’histoire, mais prend acte de faits historiques incontestables, les qualifient juridiquement et les rend opposables à toutes les personnes placées sous la juridiction de la France, au nom du principe absolu de respect de la dignité humaine (Article de Maître Philippe KRIKORIAN « Le droit à la dignité et la liberté d’expression face aux crimes contre l’humanité », Dalloz n° 29 du 3 août 2006, p. 1980).

Ce faisant, le Parlement français exerce parfaitement la compétence qui lui est dévolue par le bloc de constitutionnalité, spécialement l’article 11 de la DDH, confiant au législateur le pouvoir de limiter la liberté d’expression qui n’est pas absolue, mais seulement relative et dont l’exercice peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions nécessaires prévues par la loi, comme le rappelle l’article 10 alinéa 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après « CEDH »).

Il convient d’ajouter que le volet sanctionnateur dont les lois des 29 janvier et 21 mai 2001 sont, à ce jour, dépourvues, a vocation non pas à conditionner, mais à faciliter le respect du ommandement normatif qu’elles contiennent, savoir respecter la mémoire des victimes de ces crimes contre l’humanité. Il est, d’ailleurs, à relever que le législateur peut instituer une « journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc » (loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012), loi à très forte connotation mémorielle revendiquée par le législateur et totalement validée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2012-657 DC du 29 novembre 2012).

Dans cet ordre d’idées, la Cour de cassation juge que « les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; » (Cass. Ass. Plén. 12 juillet 2000, Consorts ERULIN c/ Sté L’Événement du Jeudi, n° T 98-10.160 ; Cass. 1ère Civ., 12 décembre 2006, Mme Dominique M. épouse B. et Mme Hélène B. épouse H. c/M. Jean-Marie A. et Sté Calmann Lévy, n° D 04-20.719) et que « les abus de la liberté d’expression envers les personnes ne peuvent être poursuivis sur le fondement de (l’article 1382 du code civil) » (Cass. Civ. 1°, 27 septembre 2005 : Dalloz 2006, jur. p. 485, note Théo HASSLER),contrairement à d’autres systèmes juridiques, comme le droit luxembourgeois (CEDH, 29mars 2001, Thoma, § 53).

Ubi societas, ibi jus nous rappelle pourtant l’adage : la vie en Société ne saurait être hors le Droit, tant il est vrai, selon le mot de LACORDAIRE, qu’ « entre le fort et le faible (...) c’est la liberté qui opprime, c’est la loi qui affranchit. ». Le recours au droit pénal était, partant, inévitable, s’agissant d’apporter aux abus de la liberté d’expression de nécessaires sanctions, spécialement quand leurs auteurs visent à atteindre de façon injuste la mémoire des victimes d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité lesquels relèvent du JUS COGENS (droit contraignant) et donc de l’ordre public de protection individuelle. Aujourd’hui, le débat sur la nécessité d’une législation pénale en la matière est caduc et ce, en raison du droit communautaire, inspirateur de la majorité de nos textes. En effet, c’est en application de l’article 34, paragraphe 2, point b), du Traité sur l’Union européenne du 7 février 1992 (Traité de Maastricht – ci-après « Traité UE ») – que le Conseil de l’Union européenne a arrêté la Décision-cadre 2008/913/JAI du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. Par cette décision-cadre qui « lie les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens », le législateur communautaire, après avoir rappelé que « Le racisme et la xénophobie sont des violations directes des principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes sur lesquels l’Union européenne est fondée et qui sont communs aux États membres », a décidé qu’au plus tard le 28 novembre 2010 chaque État membre de l’Union européenne – dont la France – devait prendre « les mesures nécessaires pour faire en sorte que les actes intentionnels ci-après soient punissables : (...) c) l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du Statut de la Cour pénale internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique lorsque le comportement est exercé d’une manière qui risque d’inciter à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe ; (...) ».

Ce texte appelle plusieurs observations :

1°) Il est désormais acquis, ainsi que l’ont établi de nombreuses procédures portées, depuis 1999, devant les plus hautes juridictions nationales et européennes, que le négationnisme, que l’on comprendra, ici, comme « l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre » et qui, en tant que tel, procède du racisme et de la xénophobie, doit, en vertu de la norme communautaire qui s’impose aux États membres, être traité par le droit pénal.

2°) La France est, ainsi, très fortement invitée à faire cesser la discrimination opérée par la loi Gayssot du 13 juillet 1990 ayant créé l’article 24 bis de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 incriminant et réprimant d’un emprisonnement d’un an et de 45 000 € d’amende la contestation de l’existence des seuls crimes nazis, à l’exclusion des autres crimes contre l’humanité, notamment ceux reconnus par les lois n° 2001-70 du 29 janvier 2001 et n° 2001-434 du 21 mai 2001.

3°) La France qui, depuis la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001, « reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 », se voit, par la décision-cadre communautaire, offrir une raison juridique supplémentaire d’apporter en particulier à la mémoire des victimes du Génocide arménien, ainsi qu’à celle des victimes de la traite et de l’esclavage (loi n° 2001-434 du 21 mai 2001), la même protection juridictionnelle qu’elle accorde de façon hautement légitime aux victimes des crimes hitlériens : au critère tiré de la décision d’une juridiction internationale devra nécessairement s’ajouter celui de la reconnaissance du crime contre l’humanité par la loi nationale. L’article 7, paragraphe 1 de la décision-cadre précitée précise, à cet égard, que celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux (...) » au rang desquels figure spécialement le droit à « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (ci-après « DDH ») et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958.

4°) En Europe, mais en dehors des frontières communautaires, on doit aussi relever, avec intérêt, l’arrêt du 12 décembre 2007 du Tribunal fédéral suisse rejetant le recours de Dogu PERINCEK reconnu coupable de discrimination raciale au sens de l’article 261 bis alinéa 4 du Code pénal suisse (PERINCEK c/ Association Suisse-Arménie) et rappelant, au vu notamment de la loi française du 29 janvier 2001, qu’il existe « un consensus général, scientifique notamment, sur la qualification des faits de 1915 comme génocide » (§ 4.6) justifiant l’application de la loi pénale, en l’absence même d’une loi de reconnaissance et sans qu’il soit besoin d’ « ouvrir un débat historico-juridique sur ce point ».

5°) Il échet d’ajouter qu’à l’instar des directives, dont en vertu de l’article 88-1 alinéa 1er de la Constitution, « la transposition en droit interne (...) résulte d’une exigence constitutionnelle » (CC, décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 – Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, consid. 17 ; CC, décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 – Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, consid. 42), les décisions-cadres visées par
l’article 34, paragraphe 2, point b) du Traité UE lient juridiquement les États membres quant au résultat à atteindre, en particulier dans le domaine de la lutte contre le racisme et la xénophobie, ce qui est bien l’objet de la décision-cadre du 28 novembre 2008 qu’il est ici proposé de transposer, l’initiative des lois appartenant, selon l’article 39, al. 1er de la Constitution, « concurremment au premier ministre et aux membres du Parlement ».

6°) Il y a lieu, cependant, en vue d’une efficacité maximale du prochain vote, de tenir compte sans, pour autant, l’approuver ni renoncer à la pure normativité des lois de reconnaissance des crimes contre l’humanité, ni même à l’incrimination par référence (v. la requête en récusation du 4 février 2012 publiée sur le sitehttp://www.philippekrikorian-avocat.fr, le mémoire en réplique n° 2 de Maître Philippe KRIKORIAN devant le Conseil d’État du 16 mars 2012, la proposition de résolution, ainsi que la pétition publiés sur le même site et la proposition de résolution déposée le 11 écembre 2012 sur le bureau de l’Assemblée nationale par Madame Valérie BOYER, Députée des Bouches-du-Rhône) - de la Décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012, loi tendant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, par laquelle le Conseil constitutionnel a pris la responsabilité de déclarer inconstitutionnelle la loi BOYER-KRIKORIAN définitivement adoptée par le Parlement le 23 janvier 2012 dont l’objet était, déjà, la transposition de la décision-cadre du 28 novembre 2008. Pour autant, la double obligation au regard du droit de l’Union européenne et de notre droit constitutionnel, de transposer la décision-cadre du 28 novembre 2008 n’a pas été abolie par la décision précitée du 28 février 2012 ni par celle rendue le 26 novembre 2012 par le Conseil d’État (Monsieur et Madame Grégoire KRIKORIAN et a. c/ Monsieur le Premier ministre, n° 50492).

Il appartient, en conséquence, au Parlement de voter une loi de transposition de la Décision-cadre 2008/913/JAI du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. La définition en compréhension (énoncé des caractéristiques) de la décision-cadre devra être complétée, dans la loi, par une définition en extension (établissement de la liste) des crimes notoires dont l’existence et la qualification juridique ne pourront plus être impunément contestées.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

** Article 1er **

Le premier alinéa de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Seront punis de deux ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence dans les conditions visées par le sixième alinéa de l’article 24 en contestant, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence ou la qualification juridique d’un ou plusieurs génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre notoires dont la liste chronologique suit :
« – Esclavage et traite ;
« – Génocide arménien ;
« – Crimes visés par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945.
« Vaudra contestation, au sens du présent article, la négation, la banalisation grossière ou la minimisation desdits crimes, de même que l’usage de tout terme ou signe dépréciatif ou dubitatif pour les désigner, tel que “soi-disant”, “prétendu”, “hypothétique” ou “supposé”. »

**Article 2**

À l’article 48-2 de la même loi, après le mot : « déportés », sont insérés les mots : « ou de toutes autres victimes ».

mercredi 6 février 2013

VICTOR HUGO FAISAIT-IL AUSSI DE LA PROPAGANDE EN SON TEMPS ?



 Eugène Delacroix "Le massacre de Chios" (1824)


"Il ne suffit pas de pleurer pour souffrir. Il ne suffit pas de souffrir pour mourir.
 Il ne suffit pas de mourir pour avoir raison. Il faut montrer la barbarie du bourreau.
 Sinon le crime contre l’humanité n’est qu’un crime."
 Nikos Lygeros


AMI, DIT L’ENFANT GREC,

 DIT L’ENFANT AUX YEUX BLEUS,

 JE VEUX DE LA POUDRE

 ET DES BALLES

 (VICTOR HUGO)


Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,
Chio, qu’ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un choeur dansant de jeunes filles.
******
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.
******
Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l’onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tète blonde,
******
Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n’ont pas subi l’affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?
******
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d’avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d’Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu’un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?
******
Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l’oiseau merveilleux ?
 Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.
Victor Hugo, Les Orientales, 1829


VICTOR HUGO FAISAIT-IL AUSSI DE LA "PROPAGANDE" EN SON TEMPS ?
 C'EST CE QUE PRETENDENT TURQUIE ET AZERBAIDJAN QUAND LES ARMENIENS S'ATTACHENT A RENDRE PUBLIQUE, AUX REGARDS DU MONDE,  UNE VERITE TROP LONGTEMPS  TUE  

J'ai eu l'occasion d'aller dans divers pays (Grèce, Montenegro, Croatie etc ...) partout les invasions ottomanes n'ont laissé derrière elles que ruines et désolations ... Mais ces pays ont pu se redresser néanmoins une fois les envahisseurs repoussés. Pour nous, arméniens, tout a toujours été difficile car notre situation géographique, stratégique, ne nous a valu aucun soutien "désintéressé" - au contraire -  et nous a rendus dépendants, comme l'a été l'Arménie devenue république socialiste de l'URSS  en dernier lieu. Aujourd'hui encore, l'Arménie (indépendante depuis 1991 seulement), jeune nation donc, réduite à sa plus simple expression, doit maintenant subir  l'ère des mafias et corruptions internes - passage obligé - tandis qu'elle doit aussi survivre malgré la fermeture des frontières d'une Turquie arrogante, et forte du silence "pudique" des  états, qui prônent la défense des Droits de l'Homme mais laissent faire, aliénés qu'ils sont aux intérêts économiques. 
 Quant à l'Azerbaïdjan, mortifiée d'une guerre contre  les Arméniens du Karabagh, qu'elle a perdue, elle n'a de cesse de provoquer des échauffourées - dont elle rend les arméniens responsables (comme c'est crédible !) malgré l'instauration d'un cessez le feu. "L'intégrité territoriale" revendique-t-elle à cor et à cri : Staline s'est-il préoccupé de "l'intégrité territoriale de l'Arménie" lorsqu'il a cédé cette terre ancestrale arménienne, pour des questions d'intérêts, toujours et encore,  à l'Azerbaïdjan ?

http://www.amis-du-karabagh.com/historique.htm
 ... Aucun média télévisuel en France ne s'est fait le relais d'un acte abominable revenu au-devant de la scène en 2012, qui fut perpétré en 2004 en Hongrie :
-  Rappel : au cours d'un stage organisé par l'Otan en 2004, un soldat azéri s'est introduit dans la chambre d'hôtel où dormait un soldat arménien et l'a décapité à coups de hache !!! Condamné à perpétuité par le tribunal hongrois et incarcéré durant huit ans sur place, il fut transféré en août 2012 en Azerbaïdjan  - à la demande pressante du président Aliev qui avait promis que le soldat finirait d'y purger sa peine (ramenée à 25 ans), moyennant une substantielle contrepartie tout de même ...

Aliev - président parjure -  l'a accueilli comme un héros et gracié, lui offrant en outre de confortables moyens matériels  (appartement, aide financière, ...)
Voir l'ensemble des articles du Collectif Van
consacrés à cet acte sans nom :



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samedi 2 février 2013

LA SOLITUDE DE L'AUTRE


La solitude de l'autre
me rend triste
Je ne sais pourquoi.
Peut-être 
parce que je crois
que la solitude humaine
est rarement un choix,
un choix délibéré.
Est-ce un choix
que de ne rencontrer l'être
avec qui partager 
des valeurs communes ?
Et quand manque cet indispensable alter ego
complice toujours, complémentaire souvent,
avec sa différence salutaire, 
alors, s'installe la solitude.
 On peut l'accueillir avec philosophie,
se résoudre à vivre avec elle
certes,
mais je ne peux croire
que ce soit avec indifférence.
Il y a souffrance ; 
et cette souffrance là,
courageuse et muette,
me touche 
et me fait souffrir aussi.

 Dzovinar