mercredi 19 janvier 2022

Aytsemnik, héroïne nationale de l'Arménie ancienne.

Aytsemnik 


  De Thaïs Athènes page Facebook -d'après la traduction transmise par Kegham Papazian 

Aytsemnik est l'héroïne nationale de l'Arménie. L'une des "commandants militaires" lors de la défense d'Ani en 1124, qui dirigeait l'unité militaire féminine. Morte héroïquement au combat.

Son image est extrêmement importante dans l'histoire et l'idéologie arméniennes. Pendant les années soviétiques, l'étude de sa biographie héroïque faisait partie du programme scolaire. Malheureusement, actuellement, l'intérêt pour cette figure importante de notre histoire a disparu et risque de tomber dans l'oubli non seulement en tant que personne historique intéressante, mais aussi en tant qu'exemple de femme arménienne libérée. C'est pourquoi nous considérons la vulgarisation de son image comme une nécessité et nous vous demandons de soutenir le défi  en tant qu'artistes arméniens et non-arméniens qui peuvent aussi promouvoir par le dessin cette héroïne d'une importance significative.

Aiytsemnik Այծեմնիկ n'est pas un cas unique de femme guerrière, comme on pourrait le croire. Elle a émergé lors du mouvement d'une société progressiste et développée qui apparut ans la ville d'Ani, dans laquelle les femmes occupaient des postes clés à égalité avec les hommes. Ce qui n'était pas le cas lors de la période médiévale que connut Ani où l'on de rencontrait que très rarement des femmes banquières, commerçantes, astrologues, ainsi que des femmes guerrières et leaders de guerre.

 Au 12e siècle, après la mort du roi géorgien David le Bâtisseur, la riche ville arménienne d'Ani fut menacée par les troupes perses dirigées par Fadlun. Les habitants hommes et femmes d'Ani ont défendu de façon exemplaire les murs de leur ville natale.
Selon le témoignage de l'historien contemporain de cette période, Samuel Anetsi, la beauté de Aitsemnik Այծեմնիկ, l'une des commandants militaires arméniens, a été particulièrement remarquée lors des batailles. Nombre d'ennemis, la considéraient comme un symbole de la mort, tant elle se battait avec férocité.

Aiytsemnik Այծեմնիկ est devenue un symbole de bravoure lors de l'effusion de sang que fut le combat  des Arméniens contre le plus grand nombre. L'héroïsme  a porté ses fruits - la ville a vaincu l'ennemi. 

Arménie ancienne.
 










samedi 15 janvier 2022

DLE YAMAN ou LE DEUIL INACCOMPLI Serge Venturini

La comédie musicale imaginée et mise en oeuvre par Essaï ALTOUNIAN "NOE LA FORCE DE VIVRE" permet à l'artiste dans le rôle de Noé, d'interpréter avec talent ce sublime chant qu'est Dle Yaman .

Origine de ce chant ancien : explications  


DLE YAMAN ou LE DEUIL INACCOMPLI - Serge Venturini


Interprète  du chant "Dle Yaman":  Sonia Nigoghossian

"Cette mélodie arménienne est mystérieuse. Le sens même de son titre ne nous est pas parvenu. Elle est sans doute bien antérieure au génocide arménien. Le révérend Komitas l'a répertoriée dans ses recherches musicologiques.

Il est des mélodies qui traversent le temps, de lèvres en lèvres, portées par les oiseaux d'une flûte, d'un ney ou d'un doudouk venus des ténèbres des âges. Dle Yaman est l'un de ces airs intemporels et universels ; cette mélodie populaire fait partie des trésors de l'humanité. Le texte est une histoire d'amour. Un homme aima une femme, ou une femme aima un homme. Leur maison était l'une en face de l'autre. — Le reste tient du mystère. L'aimé a sans doute disparu, l'amoureux chante donc la perte de sa bien-aimée. Ou bien est-ce le contraire, car on ne sait s'il s'agit d'un homme ou d'une femme… Et le jour se leva sur la montagne, comme un glas qui sonne, qui résonne dans le ciel. Cette histoire si transparente dans sa simplicité, si cristalline, a été recueillie par un révérend, — le père Komitas ; un musicien arménien, musicologue et anthropologue, qui est à l'Arménie, ce que Bela Bartók fut à la Hongrie, quelques années plus tard, dans son immense et patient travail de recueil musicologique des musiques populaires de son pays. Une traduction littérale de ce chant le dévoile :

Dle Yaman, notre maison, votre maison, face à face,

Dle Yaman, cela suffit avec tes clins d'œil,

Yaman Yaman Bien-aimé(e)

Dle Yaman, cela suffit avec tes clins d'œil,

Yaman Yaman Bien-aimé(e)

Dle Yaman, le soleil se leva sur le Massis

Dle Yaman, nostalgique je suis de mon amie,

Yaman Yaman Bien-aimé(e)

Dle Yaman, nostalgique je suis de mon amie,

Yaman Yaman Bien-aimé(e)

Certes, douloureuse est cette mélodie, elle transmet au coeur une couleur de deuil, une tristesse profonde où se mêlent des images de paysages, des parfums de terre, des souvenirs d'un autre temps. Des larmes, celles d'une perte irréparable. Elle glace les sangs quand on l'entend la première fois, puis elle revient, tournoyant dans l'esprit comme une catastrophe, un désastre sans fin, un naufrage corps et biens. Mais elle apporte aussi, un courage lucide, une grande force qui permet ainsi d'avancer, de franchir le pas, - pour continuer. Somme toute, en cela, elle symbolise, le peuple d'Arménie. "Nous sommes nos montagnes", comme l'affirmait le prosateur de la région de Lori, Hrant Matevossian.

Ce poème des lèvres absentes coule avec la limpidité tragique d'une source. L'équilibre entre le texte et la musique est un vrai miracle, — d'où son universelle présence. Le doudouk perpétue, avec ses volutes colorées sur l'ostinato du bourdon, la gravité de la mélodie dans toute sa haute profondeur. On y respire les soleils envolés sur l'abrupt de la montagne : le Massis, — le dépeuplement de l'être cher, perdu à jamais. — L'aube est là, les chants d'oiseaux refleurissent, la perte, l'irréparable départ, et le deuil inaccompli. Or la blessure demeure ouverte. C'est un chant de lamentation qui s'élève, — le glacial moment d'une lucidité, le discernement d'une solitude, le cri étouffé dans les larmes, quand la douleur s'exhale. — Rien n'empêchera le soleil de se lever." 

Serge Venturini

Dle Yaman, mer dun, tser dun, timats timats

Dle Yaman, herik anes atchkov imats

Yaman, Yaman, Yar…

8888888888888888888888888888888888888

Dle Yaman,

Arev dipav

Masis sarin,

8888888888888888888888888888888888888

Dle Yaman,

Karot mnaci

es im yarin,

Yaman Yaman, Yar

8888888888888888888888888888888888888

Dle Yaman,

Karot mnaci

es im yarin,

Yaman Yaman, Yar

8888888888888888888888888888888888888

Dle yaman

yes kez siri

ashnan hovin

Yaman yaman, Yar

8888888888888888888888888888888888888

Il existe différentes versions musicales de cette ténébreuse et abrasive mélodie, la version de Luciné Zakarian semble pour beaucoup la version de référence. La traduction est de Elisabeth Mouradian."


Cet article (N°107) a été publié par Serge Venturini dans son livre "Eclats d'une poétique de l'inaccompli" en 2012, aux éditions L'Harmattan. (pp. 156-157)


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vendredi 14 janvier 2022

Il y a 100 ans - En 1922, les premiers réfugiés arméniens arrivent à Marseille- Antoine Bedrossian

 




Il y a 100 ans - En 1922, les premiers réfugiés arméniens arrivent à Marseille. 
Les lois sociales françaises étaient très loin de celles d’aujourd’hui. L’espoir reposera sur l’organisation et l’entraide des membres de la communauté.
 
La France des années 1920 n’est ni la France d’aujourd’hui, ni celle des années de l’après-guerre de 1939 /45. Les lois sociales sont très loin de leur niveau d’aujourd’hui, et elles ne s’appliquaient qu’aux citoyens français. Ce qui s’appelle solidarité relève uniquement de la communauté, en un mot l’on attend tout de la famille, des voisins et des associations caritatives arméniennes : Tout ceci démontre l’aptitude des Arméniens à s’organiser et à faire face à l’adversité.

L’intégration de la population arménienne n’était pas aisée. Les personnes de la première génération était celle des réfugiés, il leur fallait tout apprendre : la langue, les règles de vie et celles du travail dans une société moderne. Nées en Asie Mineure, ils eurent du mal à s’habituer à la vie française. Cette première génération est celle du travail acharné, celle de la survie et du double horaire. Deux journées de travail, l’une à la suite de l’autre, dans deux usines différentes pour certains. 

Cependant, cette intégration se fit avec lenteur, avec du courage mais de façon inévitable et souhaitée. 

>Les premiers logements

Les nouveaux arrivants vont essayer de trouver un toit au centre-ville de Marseille, dans le périmètre délimité par la Canebière, le Bld d’Athènes (Gare St Charles) et la porte d’Aix. On y trouve une majorité absolue des Arméniens dans des logements selon leur niveau social. La grande majorité de ces logis étaient malsains souvent sans air et sans soleil, n’ayant qu’un robinet d’eau et un cabinet d’aisance par étage. Là aussi se trouvent les hôtels miteux, de véritables taudis. L’écrivain Emile Témine, d’origine juive, grand ami des Arméniens, relate dans son livre la vie de ces hôtels miteux où puces, souris cohabitent avec les êtres humains. Pour cuisiner, un réchaud à pétrole sur lequel la ménagère arménienne confectionnait les repas familiaux. Je ne vous parle pas de la promiscuité…

Parmi le flot des nouveaux arrivants, il y avait des personnes mieux loties financièrement et d’autres d’un grand niveau d’instruction. Ces personnes vont participer à l’organisation des associations, créer des écoles pour apprendre le français, bâtir des églises apostoliques arméniennes et participer à la parution d’une presse arménienne locale de 1923 à 1939. Tous ces journaux vont disparaitre avec le début de la Seconde Guerre Mondiale.

Mes parents ont passé les premières années (3 ou 4 ans) dans l’hôtel Victoire, 1 rue de Saule- Marseille. C’est dans cet hôtel que naitront ma sœur Elise et ma cousine Marie.

>Le Camp Oddo

Les premiers groupes de réfugiés, arrivés dans le plus grand dénuement, vont s’installer dans un ancien camp militaire. Les baraquements devaient accueillir temporairement quelques centaines de familles…il a accueilli au final près de 5 500 réfugiés auxquels il faut ajouter les 405 enfants nés au camp.

Ce camp a accueilli une population meurtrie dans des conditions très difficiles. Très vite cependant, les arméniens firent de ce lieu un véritable espace de vie communautaire avec son église, ses écoles, Le camp Oddo n'est pas seulement la fin d'un parcours mais au contraire un point de départ pour la nouvelle vie de ces réfugiés arméniens ayant tout perdu.

La direction du camp sera assistée par des médecins Mrs Semerdjian et Rakédjian (qui fut notre médecin de famille à Saint Jérôme) accomplirent leur mission avec la plus grande conscience. Le camp eut aussi son pharmacien en la personne de M. Thomas Ménévichian .

>Santé

Les conditions d’habitation malsaines, jointes à la sous-alimentation due à la pauvreté de toute une classe de gens qui, de surcroit, travaillait dans des conditions inhumaines, furent la cause, au cours de ces premières années, de la tuberculose qui fit des ravages dans les rangs des réfugiés arméniens.

 Médecins et médicaments n’étaient pas gratuits, il n’y avait pas de « Sécurité-Sociale » ni la carte vitale. Au début d’une maladie, les gens avaient l’habitude de recourir aux remèdes de grand-mère. Et lorsqu’on s’adressait enfin au médecin, le mal était déjà fait. N’oublions pas que les antibiotiques n’existaient pas encore.

>L’entraide du voisinage

Dans ces quartiers où se sont regroupés les réfugiés arméniens, que l’on serait tenté de qualifier de « petite Arménie », le compatriote n’était jamais loin : dans la chambre d’à côté ou dans l’immeuble d’en face. Comme le dit un proverbe arménien : « Le voisin proche est mieux que le parent lointain ». Ces gens pris dans la même tourmente, partageant le même quotidien, font de leur mieux pour se comprendre et s’entraider.

>Les Associations Compatriotiques 

Les réfugiés se constituèrent rapidement des « Unions compatriotiques » » pour aider d’abord des gens de même région. Ces associations porteront aide aux vieillards, aux orphelins, aux veuves, aux infirmes et aux malades. 

>La Croix Bleue des Arméniens de France

Dès 1920, des femmes, bénévoles, se rassemblent et s’organisent pour venir en aide et soulager la détresse des réfugiés. Leur première initiative est la création d’un centre d’action sanitaire et sociale pour enfants.

>Les « écoles arméniennes » pour apprendre le français.
 
Dès 1924, une école sera ouverte dans le camp Oddo et une autre école primaire dans les murs de la chapelle arménienne, rue Stanislas Torrents. Les élèves apprenaient la langue française. Pour ces deux écoles les directeurs furent l’écrivain Léon Chanth et Hovhannès Varjabédian, diplômé du Collège Central de Constantinople (comme le fut mon père qui maîtrisait correctement la langue française). 
D’autres, comme mes parents vont se cotiser et payer une jeune fille arménienne connaissant la langue française pour donner des cours à leurs enfants. Ils sont regroupés par « classe » d'une dizaine d'enfants de tout âge pour apprendre les rudiments de la langue française.
Peu de temps après, les enfants fréquenteront les écoles publiques de la République. Pour que les enfants puissent apprendre à lire et écrire l’arménien et l’histoire arménienne furent créées, à leur place, souvent dans les salles polyvalentes des églises arméniennes, les écoles du jeudi (le jour de relâche).

>Le sport

Pour éviter que les jeunes errent sans but, il fallait canaliser les énergies à travers le sport et surtout le football. Des sections sportives furent fondées à Marseille dès 1924 : Jeunesse Sportive Arménienne, JSA Saint Antoine, Ardziv, UGA, …

>Les Scouts 

En 1929 fut fondé les scouts arméniens Hay Ari et une section féminine Hay Arinouch

>La presse arménienne

En 1922, une soixantaine d'écrivains, intellectuels, journalistes et poètes arrivent à Paris ainsi que de nombreux jeunes gens ayant fréquenté les écoles arméniennes en particulier de Constantinople. Ces lettrés fondent des petites imprimeries indépendantes.

Ces journaux servent d'information politique de la diaspora mais aussi du « savoir se comporter » dans ce pays d’accueil pour des rescapés souvent perdus, ne parlant pas la langue du pays, et ne connaissant aucune de ses coutumes.

Conclusion 

Tout ceci démontre encore une fois l’aptitude des Arméniens à s’organiser et à faire face à l’adversité, partout où elle se manifeste.
Bénissons nos anciens et surtout nos grands-mères qui ont tout fait pour que nous ayons une vie meilleure. Ils n’ont connu qu’une vie faite d’économie et de sacrifices.
Ils ont eu un grand respect de la France qui les a accueillis.

Antoine Bedrossian -  2022