Poèmes de Dzovinar


Sous les rayons d'or
rivés au ciel comme des griffes
sortant des ondes tièdes et bleues
de l'infini miroitant
s'éloigne, comme le rêve
qu'une nuit trop longue efface,
la douceur ronde d'un troublant souvenir


(2008)

*****


Le cadeau de la rose

Toute de velours
douce comme une caresse
illumine mes jours
de joie, d'allégresse.
Même si demain
le sang de ta robe
si vif aujourd'hui
palît et s'épuise
rose divine, sublime
je te garde à jamais
entre les pages du livre
où s'écrivent
les cadeaux de la vie.
(
(2008)
*****

Lorsque l'on songe aux heures d'antan
celles où le temps n'était rien
celles où l'amour était tout
alors on voit toujours briller
de son plus bel éclat
le souvenir si doux
de cet heureux temps là !
Mais l'on apprend surtout
que rien n'est jamais fini !
Et tant qu'un souffle de vie
anime un coeur, s'il bat aussi
pour de grandes causes,
c'est encore un hymne qu'il dédie
au seul credo qui vaille 
 l'amour de tout ce qui vit !

(2008)

*****


Quand on écoute, ébloui,
la musique qui naît, brillante,
sous les doigts agiles de l'artiste,
sa virtuosité nous semble aller de soi
et nous fait oublier le travail long et difficile
que des années durant il a consacré à son art 
pour nous faire vivre, offrande inestimable ,
un moment d'éternité. 
(2007)
***** 



Quelques mots tracés
sur la page blanche
du passé
resteront inexpliqués...
Qu'importe,
C'est une page
qu'il faut tourner.
Si le coeur s'est refermé,
 La mémoire, elle,
 s'est enrichie.

(2007)

*****


Ce jour là,
au lac Sevan
le ciel était gris  ...

Debout
 Sur les bords de tes rives 
 qui ont vu les siècles passer  
 J'écoutais
 Humble et meurtrie 
  monter comme un chant 
  la voix de nos anciens
  pour toujours endormis  
  au fond de tes eaux
  sombres et glacées ...

                                               *****                                                  
   Aimer
A l'instant même
où d'un regard
jaillit la flamme
Aimer
Le coeur exulte
Au premier souffle
Au premier mot
Aimer
Don de soi sans compter
Regarder l'autre respirer
Etre là sans lui peser
Aimer
Si le temps fait son oeuvre
Et que l'autre s'ennuie
Que son désir faiblit
Aimer
C'est le laisser partir
Vers d'autres rives
Vers d'autres vies...
Souffrir
Pleurer
C'est encore aimer

(2007)
*****



Nuit sur le Rhône

A l'heure de tous les possibles
Rôde, oisive, la société frivole
Sur les berges de vains plaisirs
Que baignent les luisantes lucioles.
Et le ciel silencieux témoin
De la déraison humaine
Etire ses nuages trop pleins
De ses rêves et de ses peines.
(2007)

La photo

Une image a traversé le temps.
J'en connaissais l'existence
sans l'avoir jamais vue.
L'enveloppe est arrivée.
Hier. Quand je l'ai ouverte,
gorge nouée ... ô mes innocents !
La vision a transpercé mon coeur
mieux que ne l'aurait fait une lame acérée.
Toi mon père au visage si fin, si doux,
pourquoi ce regard baigné d'inquiétude ?
Pressentais-tu déjà les tourments
qui, si vite, viendraient flétrir
ces moments de grâce de ton mariage ?
Toi, ma mère, à peine sortie de l'enfance,
ignorante de ta beauté qui rayonne,
radieuse et confiante appuyée contre lui,
à qui, sans crainte, tu as confié ta vie,
que pouvais-tu savoir des hasards
qui rôdent obscurs et malfaisants ;
que pouviez-vous savoir de l'aveugle destin
qui sépare des êtres si bien faits l'un pour l'autre.
Je vous regarde et je pleure
sur tout ce que vous n'avez jamais eu ;
voir ensemble grandir vos enfants,
partager l'harmonie d'un paisible foyer.
Tu étais si bon mon père et toi maman si gaie.
Je vous regarde et je pleure
maintenant que vous n'êtes plus
sur tout ce qui aurait pu être
 que nous n'avons pas eu.

***** 
42 rue des Pâquerettes à Alfortville...

Les lieux qui gardent à jamais
nos coeurs prisonniers
sont ceux de notre enfance.
En les quittant un jour
nous ignorons encore
que les liens invisibles
que nous croyons briser
nous attachent à eux pour toujours.
Nous pouvons partir,
vers d'autres cieux
où nous nous arrêtons
...dix ans ...vingt ans ...
pour les quitter à leur tour.
Les traces que nous en gardons
ne sont pas si profondes :
Quoi, je n'ai pas de regret ?
Sans qu'il m'en coûte je m'en vais ?
Ces arbres dans le jardin
que nous avons plantés ?
Effacés, oubliés.
Sans nous retourner, nous les quittons.
Et les murs de la maison,
et les feuillages, et les rosiers ?
Vraiment rien ? Pas une larme ? Non.
Nous n'étions que de passage.
Ici ou ailleurs nous construisons,
même provisoires, d'autres nids.

Mais sur les lieux de notre enfance
où parfois nous retournons 
notre coeur ne s'y trompe pas !
Il frémit, bat plus fort
aux souvenirs qui l'assaillent.
Il reconnaît le seul, l'unique abri
qui ait jamais compté pour lui.
Et cette fois, vraiment,
s'abandonne et pleure
sur les bonheurs perdus d'antan. 

*****
(2007)

*****
(2008-2009)

Si tu poses ta main sur ses yeux
pour cacher ce qu'ils disent ...
- non, il ne faut pas
Si tu poses ta main sur sa bouche
pour enfermer ses mots ...
- non, c'est impossible
refusant de voir et d'entendre l'aveu
 - offrande de joies ineffables -
dont ton être plein de fièvre s'émeut,
 alors sonnera de tes espérances le deuil
car son coeur las, blessé,
cherchant asile, trouvant accueil
ne battra plus pour toi.

*****
Ces jours où règne la mélancolie
elle s'assoit au piano et sans attendre
ses doigts courent et trouvent aussitôt
le chemin des airs qu'elle jouait là-bas,
en Arménie ..
Et sa voix jaillit vibrante d'émotion
se mêle à celle du piano ; son chant
parle d'amour blessé, de passion vaine,
d'oubli, de regret, de peine ...
Elle me regarde et son regard m'entraîne
dans les sentiers des souvenirs passés ;
alors le charme agit, nous unit et,
moi aussi, je me mets à chanter.
Moment unique et miraculeux
laissant le coeur moins lourd,
plus clairs les yeux,
dont on sort, somme toute,
presque heureux.

*****
Jour livide à la fenêtre
heures creuses à l'horloge
rien ne trouble le mortel ennui
suivi de son morne cortège.
Patiente, en attente du signe,
immobile, en alerte,
une petite lueur résiste.
Privée du souffle créateur,
son moteur, sa raison d'être,
elle faiblit, elle va disparaître ...
Rayon de vie, de joie ...
Soleil ! Montre-toi !

*****
A cette heure
qui n'est plus la nuit,
pas encore le jour,
regard levé vers toi,
étoile qui luit
- un peu pour moi aussi -
je me demande
ce que sera
le jour qui vient.
Je n'attends rien
mais je veux tout.
Un regard, un sourire
de qui j'aime déjà,
de qui je ne sais rien,
surprises que la vie sème
parfois pour nous ravir :
imprévu, inconnu, hasard,
nouveaux élans 
que l'on espère,
souffles qui régénèrent ...
Demain, sûrement.

*****

J'attends ton dernier baiser
comme l'adieu que l'on destine
à une vie de souvenirs,
aux surprises, bulles évanouies,
aux bonheurs mêlés de sanglots,
aux regrets voilés de tendresse,
aux matins légers comme zéphir,
aux nuits couleur de passion,
aux griseries, aux douleurs,
aux sourires, aux pleurs...
Adieu de la fin d'un jour
pour que naisse 
le matin nouveau.
Je te confie ma vie, ô hasard !
Mène-là, là où il faut ! 

*****
A mes aïeux


Achrenka Malouloy
Sergueï Sergueïévitch Galoustof
aïeux de ma mère
vous êtes l'image d'un monde
dont je me sens si loin,
que je voudrais connaître.
Quand je vois vos visages
contours taillés à la serpe
où je crois reconnaître
les traits de mes enfants
de mes petits-enfants
qu'il m'est doux de penser
que c'est de vous 
dont nous sommes
le prolongement
que toujours près de nous
vous veillez
que vos âmes espèrent
que nous irons un jour
vers ces terres d'Ukraine
qui sont votre berceau.
Ce que je sais de vous,
que je tiens de ma mère,
peuple mon imaginaire.
Et, car votre existence
connut bien des tourments,
je vous vénère et je suis fière
de l'héritage sans prix
que vous avez laissé,
guidant nos pas aujourd'hui
courage, énergie, humanité aussi.

Dzovinar (2008) 

 *****

Il tient dans ses bras
un frère, un fils.
Secoué de sanglots,
son corps offre l'image
d'un insupportable désespoir.
Pourquoi ? supplie le visage
couvert de sang de cette femme
à l'hiver de sa vie, pourquoi ?
Qu'ai-je fait que je n'aurais dû faire ?
De quelle faute suis-je donc punie ?
Tourments sans réponse,
poison d'une culpabilité
que la violence humaine engendre,
qu'elle distille dans le coeur des innocents.
Le monde évolue et rien ne change.

*****

A quoi levons-nous nos verres
à la connerie humaine
qui ne cesse de s'exprimer ...
Encore des guerres,
encore des luttes ...
C'est pour vous que je bois mes larmes ...
malheureux humains
que l'horreur poursuit.
 Je bois mes larmes
... que puis-je faire d'autre ...

*****

Faut-il être frappé d'amnésie
Devenir aveugle et sourd
pour garder intact le goût de vivre
quand tout donne l'envie de mourir ?
Le désespoir ne tue pas toujours
tant la vie, misérable pourtant,
est chevillée au corps !
Mais la main de l'homme peut sans faiblir
détruire de l'autre son droit sacré.
Le courage de lutter semble vain
quand l'horizon chaque jour est plus sombre
quand l'espoir de justice et de paix
pèse si peu dans le  plateau de la balance
que régit notre monde.
Nous jouissons émerveillés de son apparence trompeuse, de sa beauté,
nous aimons ses créatures
 que peintres et poètes subliment, exaltent.
Pourrons-nous un jour
en anéantir les prédateurs
et rendre à l'existence sa raison d'être ? 



*****
*****

(2009)


Les artifices parfois
que l'on déploie
ne sont que poudre
aux yeux des choix
de l'impossible.
Ils portent en eux
l'éclatant aveu
d'avoir reçu en don
la pureté d'un rêve
qui, à lui-même, se suffit.

*****

C'était un innocent
qui ne savait que lire.
Chaque fois qu'il lisait
des contes ou des poèmes
les livres des plus grands
il y trouvait toujours
tant de pensées qu'il ressentait
lui-même
qu'il croyait que, certainement,
c'était à lui qu'elles s'adressaient :
alors, selon les pages du temps,
son coeur battait, riait, souffrait ;
la plus intense joie se muait
souvent en profond désespoir.
De cette vie faite de rêves
il décida de faire son présent.
Alors son coeur aima librement
d'un amour si vrai, si beau
si grand, qu'il vit soudain
briller l'inaccessible étoile.

*****
A l'ombre du silence d'or,
vermeille sommeille la parole,
jusqu'au moment de sa naissance.
Aux franges d'un regard profond
gouttent les perles des pensées
comme aux branches les pluies d'été.

Au fond du coeur serein
captifs déjà bouillonnaient les rêves
étranges écheveaux du destin...

Tu ne savais pas encore que tu dormais
ni qu'au premier chant d'un oiseau qui passe
ton coeur éteint s'embraserait.

*****

Paroles essentielles
qu'inspire l'idéal nécessaire
outils de la pensée
au service de l'Humanité.
Tout mettre en oeuvre
pour porter
déterminés
la voix des Justes
et que le Monde sache
qu'en elle grandit notre avenir.
Nous le savons.

*****
Quand les humains parfois
aux souffrances du monde,
sont sourds et aveugles
ce n'est pas toujours
par indifférence : c'est
qu'ils dorment ; alors
il faut seulement les réveiller.
Et celui qui paraît un jour
avec son chant simple et beau
ouvre pour eux le chemin
de la compassion.

*****
Ambre doré
couleur de vie
soleil des mots
ris innocents
regards juvéniles
charme d'ailleurs
si tendre
bain de fraîcheur
de douceur
infinie.

*****

ARARAT (2011)



****************
******
Je redoute parfois
que les neiges éternelles,
couronne immaculée
de nos cimes sacrées,
n'emprisonnent nos âmes
dans leur écrin glacé
les figeant à jamais,
par un jour sans soleil
 une nuit sans lune,
dans un sommeil sans rêve.
***************
******
De Collioure à l'Ararat

Collioure


Région de l'Ararat (Arménie)








Dans cette contrée qu'inonde le soleil
lovée entre terre et ciel, mer et montagne,
sous un ciel irradiant le bleu lumineux,
quand surgissent au détour de la route
 les vignes alignées
masse vert tendre dressée en plaine
ou suspendue à flanc de côteau, 
s'impose l'image d'un autre lieu
celui du pays des pierres,
où naquit la vigne devenue douleur.
Alors la beauté sereine de l'une
rend plus cruelle encore
la beauté blessée de l'autre.

*****

Prends garde à Collioure,
ce lieu d'un art coloré
éclaboussant le ciel et la mer,
dont les hautes maisons ocre rosé
se cachent derrière le paravent
des chèvrefeuilles touffus
feuillages sombres et parfumés,
ou les fleurs éclatantes
de vigoureux bougainvilliers.
Bien des peintres, visiteurs innocents,
sont passés et se sont laissés prendre
aux charmes de cette belle,
sans pouvoir la quitter ...
Des entrelacs des ruelles pavées
au petit port où reposent encore
les barques catalanes
jusqu'à la mouvance irisée
qui baigne le pied d'un ancien phare
devenue clocher,
tout parle à l'âme
des amoureux de la beauté.

           *****             



Comme sable au sablier du Temps
les jours inexorablement s'écoulent :
et quand les portes des désirs
depuis longtemps sont refermées
des souvenirs eux-mêmes
perdant la trace, 
mélancolique comme un regret
larme de sang de la mémoire
naît alors une pensée - quand ai-je aimé ?
N'interromps jamais le chant d'amour
laisse-le gonfler la voile
qui conduit vers l'infini des rêves
même vains.
Le sais-tu ?
Tu ne m'entends pas ...
Pourtant
Il faut vivre !

                                                                                 Dzovinar
 (2011)




Thé vert de Chine

D'un miroir
d'ambre doré
s'élèvent des colutes
tièdes
et 
parfumées...
Tu songes alors,
quand la première gorgée
du chaud liquide
entre tes lèvres
s'insinue,
qie ton coeur solitaire
s'étiole d'ennui,
sous le regard indifférent
d'un rayon de lune
sur ta croisée,
à ces contrées lointaines
d'une autre vie
où ton esprit parfois chemine ...
Alors, soudain,
ta nuit s'illumine
d'un souvenir d'amour
très doux
furtif et délicieux,
venu se nicher
dans la saveur
âpre et sucrée
d'une tasse
de thé vert
de Chine

Dzovinar (2011)



MAIS CE N'EST PAS UN CONTE ...


Peintre arménien (inconnu)

Mais ce n'est pas un conte

C'est vrai. Ce n'est pas un conte ordinaire.
Il y manque magiciens et fées, elfes, lutins, cheval ailé,
licorne, tapis volant ... Tous dorment à
présent dans le coffre de l'enfance, cette
enfance sur laquelle on se retourne comme
on cherche son oxygène quand l'air pur se raréfie.

Tous dorment dans le coffre de l'enfance ...
... mais, le dragon ?

Sors de tes songes, il est l'heure ...
Le taxi t'attend, et l'avion ; ils te mèneront là où
t'espèrent tes soeurs, tes frères, tu sais ?
Dis-leur que nous les aimons, qu'ils sont
dans nos pensées ; surtout, fais tout ce que tu
peux pour eux ...

Des profondeurs du lac Sevan lui était parvenu
le message.

Rien n'est terminé, là-bas ; les hommes en
armes risquent chaque jour leur vie ...

Dzovinar - Décembre 2011



Obsidienne d'Arménie



La montagne scintillait
au lointain
au soleil de midi
j'ai cru à un mirage ;
le rêve d'une vie
s'affichait sous mes yeux
approcher, toucher,
 en convaincre 
chaque fibre de mon être ;
à quelques pas seulement
l'obsidienne, magnifique,
m'attendait ;
de tout temps
elle était là
...pour moi ...
Je l'ai prise avec respect.

Dans ses striures, chaque jour,
je lis l'histoire des âmes blessées.
Quand je caresse ses aspérités
que les siècles ont poli
me parviennent de sa mémoire
d'insoutenables vérités

Dzovinar  

(2011)

Le dernier lien 



On ne se voyait guère
frère de mon père
mais on te savait là
dernier lien d'une famille éclatée.
Voilà que tu nous quittes
 nous laissant désemparés.
Vers qui se tourner
désormais
vers quel témoin de notre passé ?
Qui nous dira
quelle était votre vie d'antan
dans ces lieux inconnus pour nous
mais qui vous ont vu naître...
Seuls, nous sommes seuls
pour continuer nos vies
sans le secours d'une voix, d'un sourire,
fragiles liens qui nous rappelaient
que nous venions d'un ailleurs
d'une terre incertaine comme un mirage,
mais dont votre existence
 était l'unique preuve. 
Nous voilà seuls, désormais, 
pour transmettre le message
auquel il manque tant de mots.
Saurons-nous, à notre tour, inventer, recréer, 
une histoire perdue au fond de tiroirs 
dont nous n'avons jamais eu toutes les clés ?
Désormais, c'est de souvenirs
dont nous vivrons ...
De souvenirs seulement.


Dzovinar
(2012)

      Quotidien paysan
Pastels d'après Pissaro

La cloche de l'église, fidèlement,
égrènent les heures au long du jour ;
ce rituel d'un autre temps
emporte l'esprit rêveur
vers des lieux, des usages
où vivent les fantômes d'antan.
En fermant les yeux on devine
le roi dans son château
la gente dame et son damoiseau
trop beau pour être honnête.

Dans un bruit de grenaille
la charette tirée par les boeufs
traverse le village et le paysan
fourbu mais content regagne la grange
où sa femme l'attend pour entasser
les ballots d'avoine fraîchement coupée.
Il sait que tout à l'heure assis à la table
où le couvert est mis, il oubliera un moment,
penché sur l'assiette où fume la soupe quotidienne,
fatigue broyant le corps, souci du lendemain,
et peut-être, dans le lit au fond de l'alcôve sombre,
avant que, brutal, le sommeil ne l'emporte,
prendra-t-il, dans les bras de sa femme résignée,
un bref instant de plaisir animal.

Dzovinar

                                                                                                                                                (2011)
 *****
Village de montagne
(Pastel de Dzovinar)
Petit village de montagne
en pente douce
où poussent
les châlets de bois
les maisons de pierre aussi.
Hâvres de paix et d'harmonie,
la vie paisiblement s'écoule,
sans drame,
 sans cri.
Seules les bêtes dans les champs
beuglent et bêlent
de temps en temps.
On vit ici à l'heure des saisons
pâturages, champignons,
myrtilles sauvages et marrons ;
 quand l'hiver, et son cortège
de froid, de neige,
pour de longs jours
fait son apparition
tout le village enfile ses bottes
noue le cache-nez
et se chapeaute.
C'est alors que dans les cuisines
où crépitent les bûches dans la cheminée
on réchauffe la soupe, trempe les tartines,
goûtant, en les faisant renaître,
à la douceur des gestes d'autrefois.
Dzovinar
(2011)


*****

Allégresse




Sur la route ensoleillée déjà 

malgré l'heure matinale,

dans l'air encore chargé 

d'une fraîcheur nocturne,

huit heures ont sonné

au clocher du village.

Une allégresse

que je ne m'explique pas

s'empare alors de moi.

Et mon regard, neuf à nouveau,

se pose sur chaque arbre,

chaque maison, scrute le ciel

découvre l'horizon,

emplissant mon coeur

d'un bonheur que je reçois

sans chercher à comprendre

 pourquoi l'appel sonore d'un vieux clocher

éveille en moi tant d'émotion ,

et tant de joie.

Dzovinar



Un pâle soleil d'un matin aussi froid
qu'un automne précoce
dispense de parcimonieux rayons
venant frapper les eaux sombres du lac.
Tôt levée, postée sur le balcon,
j'assiste émerveillée à son embrasement ...
Mais cet incendie flamboyant d'un royaume liquide
n'est que trompeuse apparence ...
Et bientôt, sous mon regard ébloui,
peu à peu s'estompent les flammes
éthérées de vapeurs matinales.
Je ne peux en détacher mes yeux
car, à chaque seconde qui passe,
un nouveau miracle s'opère ;
jusqu'au moment où dans le ciel bleui,
la lumière du jour qui s'avance,
tandis que huit heures sonnent au clocher,
inonde les montagnes, les arbres, le lac,
dégageant les cimes des unes,
rendant à l'autre, lisse comme un miroir,
sa surface aux couleurs d'émeraude.

Dzovinar (2011)





Tsavet danem

Nous sommes les survivants d'un pays
dont le ciel ne nous a pas vu naître.
Dans notre coeur pourtant a vécu son image
grandiose, sublime, unique, irremplaçable
et pourtant, nous avons survécu loin d'elle,
dans l'attente de sa résurrection, de son appel.
Et nous l'avons vue, déchirée, amoindrie, et si belle !
Les chants des poètes l'ont préservée pour nous,
Et cette image est celle de nos rêve.
Ses enfants affligés, blessés, torturés
trop tôt disparus
ont laissé en nous une souffrance telle
que sa puissance ferme nos yeux, vrille
encore et toujours nos coeurs de sa lame.
Quel simple mot, quelle parole inspirée,
pourront guérir nos plaies ouvertes
donner l'élan vers l'avenir lumineux
pardonner les erreurs, l'ignorance
qui entravent la voie de notre évolution ?
J'espère tant de ce pays que nous voulons parfait ;
qu'il faut aimer aussi dans ses imperfections.
Car je crois en cette âme arménienne
qui sommeille en chacun de nous
que traduisent ces mots tendres et si doux,
sublimes comme un poème,
Tsavet danem !

Dzovinar
                                                       (20 avril 2008)

Les hommes de la terre - poème

 Artsakh

Les hommes de la terre
construisent les cathédrales
comme autant d'actes d'amour
qu'ils dédient à leur foi
et leurs coeurs affligés
trouvent alors le refuge
où partager
le poids trop lourd
de leurs souffrances.
Montagnes éternelles,
depuis la nuit des temps
sur nos terres ancestrales,
votre front sans faiblir
a bravé toutes les tempêtes
forgeant ainsi notre âme d'airain.
Quand mon regard se lève
plein d'espoir vers vos cimes
qu'il voit sur vous de lourds nuages
s'amonceler puis disparaître,
je comprends alors
qu'en vous j'ai trouvé mon refuge 
 que c'est vous, désormais, qui êtes 
ma Cathédrale.

Dzovinar (Avril 2014)

Je suis mes montagnes


C'est vrai que les événements
qui surviennent dans une vie
la modifient presque toujours
les retours arrière en permettent
la mesure
Cependant, au bout du compte,
on se dit "quel est son sens ?"
  Puisque tout s'émousse, se perd, disparaît
Riche d'expériences, 
est-on moins seul
Je n'ai pas de réponse

Jouir d'instants privilégiés 
 où l'on peut se sentir vivre
en harmonie
dans des lieux qui vous ressemblent
et qui vous aiment...

Alors, je suis mes montagnes.

Dzovinar (2/08/2015)



*****
Dzovinar - pastel

Arménie

Pays de pierre
millénaire
né des chutes
d'un tamis divin, 
voilà ton histoire ;
soumis aux ardeurs
du soleil d'été
livré aux morsures
du rude hiver
tel est le fer
dont ton âme est forgée.
La mémoire fidèle des anciens 
a porté jusqu'à nous
héritiers improbables, héritiers pourtant,
la trame d'un destin sans concession.
Peuple marqué au sceau de cruels aléas
tu as gardé vivantes, tes traditions, ta foi.
Tes chants mélancoliques et tes danses joyeuses
  expriment tour à tour
difficulté d'être, joie de vivre.
Ainsi partagé, l'être sans cesse
doit mêler douleur, allégresse.

Les pures rivières
qui coulent au fond des gorges, 
aux pieds des roches et des monts,
les feuilles des arbres
frémissant au souffle de l'azur,
exaltent et nourrissent
l'amour que nous te vouons.

Peuples de la terre
Comme nous nous ressemblons !

*****

La rivière
 qui coule dans nos veines
charrie de noirs souvenirs.
Est-ce notre destin ?
Celui que nous devons transmettre ?
je voudrais 
pourtant te dire
que malgré les forces contraires
toujours dressées sur notre route
nous avons, en les combattant,
  gagné la beauté :
 vois 
les cimes de nos montagnes grandioses
vois les chefs d'oeuvre de nos bâtisseurs
entends les musiques de notre peuple
les poèmes de nos achoughs*,
et notre langue !
Ne les oublie pas !
Ils sont l'âme de notre pays
que partout nous transportons.
C'est pour elle que toujours nous nous battrons !

Achough : Troubadour

*****

LA SOLITUDE DE L'AUTRE


La solitude de l'autre
me rend triste
Je ne sais pourquoi.
Peut-être 
parce que je crois
que la solitude humaine
est rarement un choix,
un choix délibéré.
Est-ce un choix
que de ne rencontrer l'être
avec qui partager 
des valeurs communes ?
Et quand manque cet indispensable alter ego
complice toujours, complémentaire souvent,
avec sa différence salutaire, 
alors, s'installe la solitude.
 On peut l'accueillir avec philosophie,
se résoudre à vivre avec elle
certes,
mais je ne peux croire
que ce soit avec indifférence.
Il y a souffrance ; 
et cette souffrance là,
courageuse et muette,
me touche 
et me fait souffrir aussi.

 Dzovinar

Insignifiance

Insignifiance apparente,
ponctuation,
dans un désert de givre
ta présence, pourtant,
envahit l'espace
force l'admiration
de qui peut l'éprouver 
et ton courage inné
sourd à tous les dangers
brave jour après jour 
  les aléas qu'encourt
à chaque instant
ton existence même.
Minuscule soldat
d'une compagnie fantôme
 - qui  peut à tout moment rejoindre
et c'est heureux
la chaleur d'un nid, d'un abri -
ta solitude provisoire en ces lieux
 m'émeut et,
le sais-tu, 
un instant,
éloigne l'ombre
de la mienne.

Dzovinar


Coquillage

Il s'arrêta , soudain.
A ses pieds,
sur le sable humide et crissant de la grève
vêtue de perles, rosée des vagues,
encore irisée
des derniers reflets d'un soleil couchant,
beau, miraculeux,
un coquillage,
vide.
Il se pencha,
le prit
dans le creux de la main 
le faisant rouler,
curieux de découvrir
le message
que sans doute
il renfermait.

Mais les coquilles vides
ne se livrent pas si facilement.
Le sais-tu innocent garçon ?
 Il faut beaucoup d'amour
 pour lire en elles.
Leur beauté ne se révèle
 qu'aux âmes pures
 capables de les réinventer
 pour comprendre 
le cheminement incertain
 qui aura fini
par les jeter,
vidées de toute substance
 autrefois si prometteuse,
sur les grèves de la vie. 

Dzovinar

*****
Vivre le jour comme si c'était le dernier

Quand le corps et le coeur
lassés du poids du jour 
cherchent au creux d'un nid
familier, tiède et rassurant
le repos
au fond d'un sommeil
paisible et profond
comme le néant,
 en oubliant
qu'un mauvais rêve
surgi de la nuit
peut venir en troubler le cours
c'est un risque 
que l'on prend ...
Mais la bonne fée
que je voudrais être
 amis fidèles
pour qui j'écris 
souhaite pour vous
des rêves tels
pour cette nuit
pour toutes celles à venir,
qu'au matin,
en ouvrant les yeux,
vous puissiez dire, 
émus, heureux
du cadeau qu'est la vie
- comme il fait beau 
aujourd'hui ! 

Dzovinar

*****
42, rue des Pâquerettes ...




Les lieux qui gardent à jamais
notre coeur prisonnier
sont ceux de notre enfance.
En les quittant un jour
nous ignorons encore
que les liens invisibles
que nous croyons briser
nous attachent toujours.
Nous pouvons partir
vers d'autres cieux
où nous nous arrêtons
dix ans ... vingt ans ...
pour les quitter à leur tour.
Les traces que nous en gardons
ne sont pas si profondes.
Et nous nous étonnons :
Quoi, je n'ai pas de regret ?
Sans qu'il m'en coûte je m'en vais ?
Ces arbres dans le jardin
qu'avec amour nous avons plantés ?
Effacés, oubliés.
Sans nous retourner, nous les quittons.
Et les murs de la maison,
et les feuillages, et les fleurs ?
Vraiment rien ? Pas une larme ? Non.
Nous n'étions que de passage,
nomades héréditaires.
Ici ou ailleurs nous construisons,
même provisoires, d'autres nids.
Mais sur les lieux de notre enfance
où nous retournons quelquefois
notre coeur ne s'y trompe pas.
Il frémit et bat plus fort
aux souvenirs qui l'assaillent.
Il reconnaît le seul, l'unique abri
qui ait jamais compté pour lui,
qui vaille...

Dzovinar

*****



Soleil vide


Ce matin
j'ai assisté à ta naissance
disque radieux.
Une timide lueur sur la ville
s'élargissant doucement
a fait place, enfin
à l'astre du jour
rouge, sur le ciel orangé
teintant la mer
aussitôt
de nuances ocrées.
Oui, le soleil se lève à l'est chaque jour
créant chaque fois le même miracle
qui nous étonne et nous réjouit.
Alors nous t'avons prêté
 toutes sortes de pouvoirs ;
nous t'avons tout d'abord déifié
élevant des prières vers toi 
pour nous assurer tes bonnes grâces.
Pourtant
tu n'es qu'un astre parmi tous les autres
dans un univers qui nous surprend toujours
même si nous avons décrypté 
bien de ses mystères.
J'observe ce matin
avec un autre regard
le spectacle que tu offres ;
il est merveilleux
comme toujours
mais ta magie n'opère plus.
Tu n'es qu'un globe irradiant,
bouillonnant en ton centre,
nécessaire à notre survie.
Rien d'autre.
Ni sentiment, ni humanité
n'émanent de toi
puisque tu ne sais pas que tu existes,
que tu as un rôle à jouer.
Ton destin s'accomplit
jour après jour
dans l'espace
où t'a placé le hasard.
Ton action nous survivra
sans que rien ne vienne l'interrompre
peut-être.
Que de rêveries, que de leurres
tu as enfanté,
toi qui ignores ton existence.
Nous nous sommes épris de toi
comme on s'attache
à une âme généreuse
humaine
toi qui es vide de tout.

J'ai bu ma tasse de café,
grignoté une tartine de pain,
machinalement...
J'attends ma fille


qui se réveille doucement ;
elle ne va pas tarder à me rejoindre.
Elle,
 vivante, généreuse,
pétrie d'amour pour les siens
et plus encore.
Elle est la vraie vie
 et ma seule croyance.
Mon rayon de soleil.

Dzovinar




*****



5 décembre 

Mes souvenirs
vous êtes en moi
immuables
aucune date
n'est besoin
pour vous rappeler
à ma mémoire
et je ne sais comment
ni pourquoi
mon esprit se fixe
ce jour précis
sur toi, chiffre 5...
 paré de symboles
que l'on évoque
à tout moment
pour expliquer
parfois
l'inexplicable
Rien de tout cela
pour moi
seulement,
 coïncidence étrange, 
celui d'un jour de bonheur
 quand tout n'était qu'espoir et sourire,
 présages d'une vie d'amour et de partage...
et d'un jour de pleurs
quand, au fil de l'eau,
messagères de notre ultime adieu,
 se sont évanouies les roses de ta vie.

Dzovinar

*****


Quand l'automne frappe à ta porte
vite, il faut ouvrir pour
sans perdre un instant découvrir
les mille beautés qu'il apporte.

Dehors ce sont les arbres 
que de sa palette exquise
il pare de nuances cuivrées ;
il offre au promeneur
épris de sérénité
de profonds tapis de feuilles
fraîchement tombées.

Pour entendre leur gai craquement
les enfants joyeux les foulent, à perdre haleine
avant de les ramasser par poignées...
Ils choisiront les plus belles
 pour en garnir les pages du cahier d'écolier
qu'ils ont noircies de leçons qu'il faut illustrer...

Et je songe aux automnes passés
lorsque dans l'air se répandait,
s'élevant du poêle sur lequel grand-père
ne manquait jamais de les faire griller,
le parfum si doux des marrons
 mêlé à mes chers souvenirs.

Dzovinar

*****


Les contes de l'enfance

Ils ont illuminé ma vie
les contes de mon enfance

Celui dont je me souviens
est aussi le plus ancien dans ma mémoire ;
 qu'il ait éveillé mon intérêt
est sans doute surprenant
car il n'y avait ni fée, ni baguette magique
seulement
une fillette
dans un château
apprenant la couture...
des illustrations montrant
chacun de ses pas dans l'apprentissage
de cet art. L'aiguille, et le fil qui s'en échappait,
s'auréolant de mystère à mes yeux ...
C'était le seul livre accessible
à mes cinq ans
que j'avais découvert dans la cave
 de la maison où j'ai grandi.
Il était poussiéreux, les pages
en étaient écornées et certaines
prêtes à se détacher ..
J'ai veillé alors à sa survie
en le refermant, chaque fois,
avec soin ...
Il fut longtemps le compagnon
de ma petite enfance
et m'a donné, c'est certain,
le goût de la couture ...
 Car je pensais, obscurément, "moi aussi, je peux le faire" !
Et lorsque j'y songe,
 le vrai moteur de mes incursions 
dans tous les domaines qui m'ont tenté
en autodidacte que je suis
fut l'envie de réaliser ce que d'autres
réussissaient...

"moi aussi" !



Dzovinar

*****

samedi 21 juin 2014


Mon chat de Van


J'ai toujours été charmée
de constater l'attachement
de nombre férus d'écriture
pour ce compagnon mystérieux
qu'est un chat.
Colette les aimait
j'aimais Colette
et l'univers de ses romans
m'a toujours séduit.
Notre enfance a baigné
aussi dans cet
environnement où les chats
tenaient leur place.
Que de fois,
au retour de l'école,
grand-père nous a dit :
- allez voir, au sous-sol,
dans la caisse ...
Et notre coeur chavirait de tendresse
à la découverte
de petits êtres vagissants
qui venaient de naître ! 
A cette époque insouciante, 
nous ne nous étonnions guère
de ne plus les revoir
quelques jours plus tard ...
Cruauté de la réalité :
on ne pouvait les garder tous ...

Arrivée à ce moment de la vie
où l'on fait le compte de tout
ce qui a contribué à lui donner un sens
il arrive qu'on ne s'y retrouve pas
trop de frustrations, de désillusions, de manques
Mais voilà que survient
la parenthèse jubilatoire :
un chat - mais pas n'importe lequel -
un chat de Van !
l'extraordinaire, le splendide chat arménien !
Le chat mythique d'un pays mythique...
Je sais déjà combien
nous serons proches l'un de l'autre !
 indispensables même...
inséparables !
Viens mon beau chat
J'aurai pour toi
toutes les attentions
que la vie n'aura pas eues
pour moi. 

Dzovinar

*****
Mickaël

°°°

Maintenant que j'ai ouvert les yeux
sur la laideur d'un monde
où les uns s'acharnent à détruire les autres,
 cachant leurs perfidie et leurs froids calculs
derrière des principes qu'ils appliquent
aux autres, jamais à eux-mêmes,
 invoquant mensonges sur mensonges
pour mieux envahir
 les terres qu'ils convoitent... 
Jetant dans le chaos et le désespoir
 les peuples innocents. 
Maintenant que je sais
je ne peux plus sourire ni me taire
car je ne rêve plus

Dzovinar

°°°°°
°°
°



*****


Je te regarde

Je te regarde avec tendresse
et inquiétude
toi qui ne vis que pour l'avenir
au sacrifice de ta propre vie
et je voudrais
qu'un sentiment de plénitude pourtant
- tant sont ancrées tes certitudes -
ne cesse d'être le puissant moteur de ton oeuvre.
Cette grande force qui semble indestructible,
imperméable au doute,
qui te donne une volonté inflexible,
un courage que rien ne peut entamer,
est sans doute le garant d'une persévérance 
sans faille, admirable ...
Mais tu es si jeune encore
et tu crois que tu pourras aider l'humanité
 à retrouver le chemin de la compassion 
ce sentiment qui ouvre le coeur, l'esprit, 
l'intelligence à l'autre,
 des hommes ...
Ma vie ne ressemble en rien à la tienne, 
ni mon apprentissage, ni mes facultés
mais ce que l'expérience m'a appris
- peut-être n'ai-je pas tout compris ? -
n'augure rien de bon
pour l'avenir de l'Humanité
dominée qu'elle est par le poids
de ses peurs, de ses lâchetés,
bien plus que par le désir de se sauver.
Alors oui, j'ai peur pour toi,
 car je t'aime comme la mère que je suis
le sais-tu ?
- je voudrais tant que tes efforts ne soient pas vains -
et que jamais ton coeur ne connaisse
le désenchantement.
Que toujours le ciel et la mer soient bleus,
au bord des rivages ocrés de ta vie.

Dzovinar

*****



Existence

Il faut vivre pleinement sa jeunesse ;
elle est si riche de rêves, d'espoirs, d'illusions.
Elle contient l'enthousiasme nécessaire
pour aborder les chemins les plus rudes
les plus aventureux
pour tenter toutes les expériences
tous les paris,
                        même les plus improbables                           
car on peut surmonter les échecs 
au goût de cendre,
 y laisser quelques plumes
mais croire encore en l'humanité...
Car viendra le jour
où le soleil perdra son éclat,
la nuit son mystère
l'humanité son sens.
Seuls
seront toujours là peut-être,
 la musique, 
pour pleurer sur les rêves perdus,
la beauté des tableaux
où chercher le reflet d'un monde illusoire
et les mots
 pour les évoquer.

Dzovinar

*****

Feutres Dzovinar
(Enluminures arméniennes)

Nous ne serons qu'un détail de l'Histoire !

Assez de donner de l'importance, 
un pouvoir,
 aux membres d'un gouvernement sans conscience !
  De courir derrière des leurres
 que sont des promesses,
 comme si nous, arméniens,
 d'une autre trempe face aux rigueurs,
 aux difficultés d'exister,
 n'avions jamais prouvé
 que nous étions capables
 de faire "avec" et "malgré" !
Nous ne serons,
 finalement,
 dans la nuit des temps à venir,
 qu'un détail
 dans le Grand Livre d'Histoire de l'Humanité !
Laissons notre intelligence de la vie
 nous dicter l'humilité
 dont nous devons faire preuve
 face à cette réalité !
Ce sera notre grande, digne et belle différence !

      Dzovinar

                                                 17/10/2016      

*****

 Dzovinar - (feutres)

Je me souviens de cet été
de mon enfance, où mes parents
confièrent, le temps des vacances,
le soin de mon corps et de mon âme,
aux religieuses arméniennes d'un couvent
qui officiaient dans un pavillon de banlieue
du côté d'Arnouville lès Gonesse.

Ces femmes douces et bonnes
veillaient sur une vingtaine
de fillettes  de mon âge, mes compagnes.
Les journées se passaient en travaux de couture,
dans le dortoir, souvent en jeux dans une cour exigüe
poursuivis jusque dans les couloirs !
Nous ne sortions guère.

Un matin, à ma grande surprise,
la soeur supérieure vint me chercher
- o^est-ce qu'on va ?
- Tu verras bien dit-elle brièvement
Elle ajouta quand même avec un petit sourire :
- n'as-tu pas dit, hier, que tu t'ennuyais ?
C'était vrai : on lui avait rapporté ma plainte.
Nulle gronderie dans sa voix ; 
pourtant je me sentis confuse.
Je leur faisais de la peine puisque les
bons soins de ces femmes tendres et dévouées
ne parvenaient pas à me rendre heureuse.

Alors, je l'accompagnai pour ses emplettes ;
nous longions des champs envahis d'insolents
coquelicots paradant dans leur robe d'éclatant rubis.
J'en cueillis quelques uns, encore en boutons,
car le plaisir suprême consisterait à ouvrir
avec délicatesse les coques vert tendre et à déployer,
avec d'infinies précautions, pour ne pas les blesser,
et les garder intactes, leurs parures fines et soyeuses
comme des paupières.

Dzovinar  2009


*****

Céramique turquoise
parsemée de roses,
dés qu'il t'a vue
d'émotion son regard
s'est voilé ;
c'est que tu contiens,
pour lui,
bien plus que des bonbons.
Quand sa main,
retrouvant les gestes d'autrefois,
a soulevé ton couvercle
d'émail verni,
ce sont les bruits,
les jeux, les ris, les voix
et les visages aussi,
que le temps a ravi,
tout ce qui
de son enfance bénie
reste gravé en son coeur
et qui, encore aujourd'hui,
apporte paix et douceur
quand, obéissant au rituel d'antan,
l'enfant , un homme maintenant,
soulève, comme sur un mystère,
le couvercle de la bonbonnière ...

*****

On dit de toi,
à cause de ton décor
trop chargé de roses
que ton style est rococo,
passé de mode, désuet ...
Peut-être, mais pour moi,
depuis peu je l'avoue,
tu es bien autre chose !
Petite soupière d'Italie,
que ma mère a trouvé jolie,
qui ne peut retenir
dans son antre ajouré
ni breuvages,
ni pensées,
je te garde désormais,
posée sur un napperon de dentelle,
afin que chaque jour qui passe
offre à mon regard
le plaisir de contempler,
souvenirs délicieux d'un autre temps,
la finesse et la beauté
de tes délicates roses pétrifiées.

*****
Les tcheureks *sarsapellihamov* !

Sur la table de cuisine,
sous les doigts experts
de grand-mère,
d'un mélange de farine,
d'ingrédients mystérieux,
naissent sous les yeux
de l'innocente enfance
que tout émerveille,
les fabuleux gâteaux de Pâques !
Ils sont nattés, 
en tresses épaisses,
enroulés en colimaçon,
attendant, sur la plaque farinée,
la touche finale,
 badigeon d'oeuf indispensable,
comme du Maître,
le dernier coup de pinceau,
avant d'être enfournés.
Et quand grand-mère,
sous haute surveillance,
sort les tcheureks du four,
les minois enfantins s'éclairent !
Le miracle s'est opéré !
Les gâteaux vernis et dorés
comme des soleils
irradient de bonheur et de gaieté
promesses de joie sans pareil
aussi longtemps que dureront les festivités !

*Tckeurek (brioche de Pâques)
* sarsapellihamov ! (sarsapelli  hamov)
 boutade signifiant : incroyablement bon !

*******

Tulipes blanches et rouges
dans le vase de cristal de Bohême
né de la tradition d'un art ancien,
vos teintes contrastées se mêlent
à ses chatoiements de précieux rubis
miracle de l'alchimie
lorsqu'au verre limpide
les sels d'or se marient
et crée la magie d'étincelants reflets.

Semblables aux cheveux emmêlés
d'une femme qui s'abandonne,
ou dressés, serpents en colère,
sur les têtes des gorgones,
jour après jour sur vos tiges
doucement vous succombez,
tulipes éphémères,
en contorsions désespérées,
têtes pendantes dans vos derniers instants
qu'un suprême effort fait dresser,
comme animées, en leur déclin,
 inutile et vain
d'un dernier souffle de vie.
Dzovinar (2010) 

*****

Le Roussillon brûlé - Dzovinar





Le Roussillon brûlé

Contraste surprenant 
qu'offre le Roussillon brûlé
lové entre bleu de la mer
 et verdoyantes montagnes. 
Sous le souffle ardent 
d'un soleil estival 
 une foule alanguie ,
tout au long de ses plages
esclaves obéissants et nus,  
 mendiants assoiffés de fraîcheur,  
 la cherchent vainement
 au sein des eaux trop tièdes de la mer. 
Jusqu'au coeur de la nuit 
se prolonge longtemps encore
l'étouffante chaleur
d'un accablant jour d'été.
Sais-tu, amoureux de la mer 
qu'à quelques tours de roues 
seulement, 
ceignant de pittoresques villages,
des sous-bois d'une exquise fraîcheur 
t'attendent au creux des montagnes 
des Pyrénées, 
t'offrant la quiétude d'un soleil assagi, 
où se mouvoir n'est plus une épreuve 
au contraire ! 
Voilà le séjour où parfois 
la brume matinale s'affiche 
en vaporeux lambeaux , 
 et dépose une fine rosée 
sur l'herbe des chemins ; 
puis quand midi s'annonce, 
un soleil plus vif réveille le paysage ; 
se perdre dans les sous-bois, 
rejoindre la rive d'un lac, 
deviennent d'efficaces parades 
pour fuir trop de chaleur ; 
et dès quatre heures, 
quand l'astre du jour disparaît 
derrière les sommets dentelés, 
les promeneurs, surgis de nulle part, 
flânent au long des rues du village, 
heureux de vivre 
dans un lieu si paisible, 
dont la beauté enchante le regard 
 et l'esprit !

Dzovinar


Pastel - Dzovinar 

*****


Ruzanna

Amie de Yerevan
chère à mon coeur
nous venons d'un peuple particulier.
Chaque mot que nous échangeons
nous rapprochent encore davantage !
Je ne suis pas étonnée
de découvrir en toi,
au fil des messages,
tant de goûts communs
que nous partageons !
Ton visage est tendre et doux
comme l'innocence !
L'art est en toi tout naturellement ;
tu évoques Parouyr Sevag* et ses poèmes
dans une langue qui charme nos oreilles, 
et la voix d'ange de Luciné * qui résonne
au ciel des monastères
élève nos âmes tourmentées, 
apaise les souvenirs
de tant de souffrances passées...
- Mes grands-parents ont péri
du côté de Van, comme tant des nôtres !
Tes confidences font monter mes larmes...
Tu ajoutes : je pleure aussi, je ne sais pourquoi ...
Mais c'est au plus profond de ton coeur
que sommeillaient tes pleurs !
Ta douceur résignée n'oublie rien cependant !
Et voilà que ta jeunesse s'enflamme, agit,
et voilà que tu fourbis tes armes 
- les meilleures : les mots -
Partie en guerre à la défense
des droits de l'homme,
 fille d'Arménie,
tu rends place à ton pays !
Arménie !
Sois fière de la relève !
Vaillante, combative 
prête à tout 
pour tout gagner,
bientôt, bientôt ...
elle va, elle va !

Dzovinar (2010)
  
 -Parouyr (ou Barouyr) Sevag* (Poète arménien -
1924-1971)
 -Luciné Zakarian * (Soprano arménienne - 1937-1991)

*****
BAFRA (Arménie occidentale)

"Eglise et école des Arméniens de Bafra"...
Voilà qu'aujourd'hui, rappel inattendu
d'un passé révolu, le cadeau d'une image
ressuscite un lieu, une vie, dont je n'ai rien su :
l'église où grand-mère, peut-être, a prié
pour que le malheur s'éloigne,
que les barbares disparaissent,
comme un cauchemar dont on s'éveille ?
L'école aussi dont elle espérait
qu'elle enseignerait à ses enfants,
et à ceux à naître,
l'histoire de son pays, 
la grandeur de ses poètes, 
les douces traditions ?
Les rues, les maisons, 
les familles amies,
les événements, les fêtes...
Toute une vie d'antan
dont nous ne saurons jamais
ce qu'elle aurait pu être
si ...
Dzovinar (2010)
*****
Conciliabules

Enfants, nous jouions
dans le recoin de la chambre
tard le soir parfois
lorsqu'on nous oubliait.
Ces soirs-là, assis autour
de la table, têtes rapprochées,
comme si les mots chuchotés
tout bas pouvaient troubler
le repos des âmes disparues,
grand-mère et grand-père
- eux seuls savaient -
gravement, avec mélancolie,
ravivaient les ombres du passé :
ce n'étaient pas des contes
que nos oncles et tantes réunis,
silencieusement écoutaient.
Des mots "Bolis", "Bafra"
frappaient nos oreilles
sans qu'alors nous n'y prissions garde ;
ils sont les seules traces
qu'aujourd'hui, bientôt, hélas
nul ne pourra plus suivre ...
Je songe à tous ceux,
bien trop nombreux, qui,
comme nous, dans le silence
de leur mémoire, ne connaîtront
jamais, la fin d'une histoire
à peine commencée.
Dzovinar (2010)

*****
Corfou (Grèce)

Chanson grecque

Mon beau cyprès
toi seul près de moi veilles ;
je puise dans ta force chaleur et réconfort.
Tu t'élances vers l'infini
et même si je ne peux te rejoindre
ton ombre étendue près de moi
est le lit où je m'endors.
Venu de ta cime à travers tes branches
frémissant à peine,
un souffle apaisant m'enveloppe
et berce mon coeur reconnaissant.
Dzovinar (2010 - d'un voyage en Grèce) 
*****

Dans la maison aux guitares
chacune raconte une histoire.
De l'une, au corps couleur de miel,
s'échappent souvent romances d'amour
tandis que de l'écrin vert émeraude de l'autre
s'élèvent les folks songs d'amérique ;
d'une autre encore s'égrènent les accords
des musiques swing, jazz tzigane, manouche...
Toutes ont leur raison d'être.
Dans ce petit chalet de bois blond
où tout parle de musique,
quand les notes tendres ou mélancoliques
s'uniront aux émouvants accents de la voix
venant mourir contre 
les lattes d'ambre doré de la chambre,
le coeur et l'âme de l'être
 heureux de tant d'harmonie,
autant que son regard tourné vers un tableau
où des tournesols aux nuances jaunes éclatent
sur fond de collines et de cyprès,
connaîtra cet instant de perfection
où tous ses sens, en même temps comblés,
le conduiront, grâce ultime,
là où seule règne la beauté.
Dzovinar (2010)

*****
Mozart Fantasy in D Minor by Tzvi Erez K.397

Quand, enfermés que nous sommes
dans nos souffrances humaines,
quand trop de douleur déchire nos coeurs
quand impuissants nous assistons
aux épreuves de ceux que l'on aime
quand notre amour ne peut les sauver
que tout perd son sens,
devient inutile et vain,
Tu es là, toujours,
Ô musique
ultime recours,
plus riche que les mots du livre,
quand, berçant nos âmes,
tu es le seul don
d'un monde illusoire.
Dzovinar (octobre 2010)

*****

La cueillette de l'abricot

Elle lui dit : viens je vais t'apprendre ;
et lui, docile,
la suit près de l'abricotier.
Il faut, dit-elle, 
choisir les fruits que le soleil a dorés,
qui sont un peu rosés,
mais pas encore trop mûrs ;
délicatement, tu cueilles les fruits veloutés
et tu en remplis ce panier : ainsi ...
Sais-tu que le noyau d'abricot
contient une amande qui se mange ?
elle est souvent douce, mais parfois, amère
méfie-toi ...
Et le garçon docile cueille les fruits
et les range ainsi qu'il lui fut dit.
Et la matinée, pourtant laborieuse,
s'écoule et s'achève sans lui peser
près d'un professeur à la taille fine,
aux yeux tendres et rieurs,
à la lèvre brillante et moqueuse ...
Viens, dit-elle, j'ai préparé un repas
que nous allons prendre - c'est l'heure !
Il s'assied près d'elle, sous l'ombrage d'un arbre,
à l'abri du soleil et de ses chauds rayons.
Il ne sait ce qu'il mange, 
ni ce qu'il boit,
seulement qu'il est heureux de ses regards,
de sa voix ;
alors, tandis qu'elle s'abandonne au repos,
qu'un prompt sommeil ferme ses paupières,
lui, la contemple, rêveur,
admire la fraîcheur de son visage,
la rondeur de ses seins qu'un léger souffle
régulièrement soulève,
une image s'impose soudain à son esprit 
un abricot ... un noyau ... une amande ...
et sans qu'il y prit garde
un flot d'émotion qu'il ne peut réprimer
le surprend, l'inonde,
et tend brusquement la toile de son pantalon !

Roses d'Ispahan

Oh mes roses si belles d'antan
Roses d'Ispahan
J'ai gardé vivant le souvenir de votre beauté
lorsqu'enfant, je regardais grand-père 
les soigner dans le jardin ...
La douceur de votre parfum,
s'est imprégnée en moi et toujours
me reviennent ces heures sereines
où, dans la soucoupe de porcelaine
le nappage odorant d'une confiture
tiède encore, offrait en don,
de vos saveurs délicates,
l'ultime joie.

Dzovinar
*****
Le bel âge

Ce n'est que lorsque l'on atteint

cet âge dit de raison
- qui varie suivant la nature de chacun  -
que l'on comprend
que jamais l'on ne change vraiment.
La capacité d'aimer, de souffrir,
d'être heureux ou malheureux
garde toute sa force.
On a simplement un peu plus d'expérience.
On a appris à surmonter les épreuves
 qui nous ont fait grandir
- car pour la joie, aucun effort n'est nécessaire !
Et puis,
on sait reconnaître l'essentiel, souvent.
Il a pu se produire que des rencontres
d'une importance majeure
vous aient ouvert des chemins inconnus.
On a compris que ces êtres là, 
 d'une intégrité rare,
que l'on respecte quels que soient leurs idéaux,
n'aspiraient qu'au seul bien de l'Humanité
bannissant de leur vie tout ce que 
le commun des mortels convoite :
pouvoir, domination, réussite matérielle ...

C'est un bel âge que celui-là
où l'on conserve l'appétit de la vie
malgré tout ...
 Mais ne le savent
 que ceux qui l'ont atteint. 

                                                          Dzovinar                                 août 2014  

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"N'abandonne pas maintenant
N. Lygeros

N'abandonne pas maintenant 
nous sommes déjà 
à tes côtés 
et si tu tombes 
nous serons ici 
comme les parties 
de ton corps 
de ton âme 
parce que nous savons 
combien il est 
important pour l'Humanité
 d'avoir chaque combattant vivant
 dans cette guerre."

Compagnon d'une longue route
poursuivie avec ferveur
à tes côtés
portée par cette
détermination
que dicte une foi
inébranlable
en l'Humanité
que tu insuffles
à chaque instant
à ceux qui te rejoignent,
et dont le nombre
ne cesse de croître,
ô cher compagnon,
que ne puis-je aujourd'hui
comme toi,
à l'instar d'un poème
écrit pour l'un de nous,
 croire encore
toujours...
quand je ressens
plus que jamais
la vanité
de notre monde !

Dzovinar
*****
Le jardin

Tout est sombre dans ce jardin
où tout dort.
 Statue figée, elle veille,
elle attend.
Cette pierre, visible à peine,
contient tous les espoirs,
tous les tourments. Mystère
pour le profane, lumière
pour l'initié, chaque signe
gravé sur la page du temps
porte en lui un terrible secret.
Chaque jour un breuvage amer
est servi, quand manque le miel.
Une goutte de rosée suffit
qui étanche la soif cruelle
et, posée comme une perle,
s'irise de mille pensées.

Dzovinar (2007)

*****

La porte étroite
Canal de Corinthe
entre mers Egée et Ionienne

Dans cet étroit passage
ouvrage d'art humain
où coulent les eaux
endiguées - enfermées -
par de si hauts remparts,
comme elles, s(écoulent nos vies,
bien trop à l'abri de nos peurs.
Vivre intensément effraie.
Pourquoi ?
Tout est permis en ce monde
qu'il nous faudra quitter :
Le travail,
 mais l'amour, mais la joie qui passent ?
Le malheur de lui-même s'invite,
inutile de le convier !

Comme ces eaux qu'appelle l'infini
se jetant d'une mer dans l'autre,
s'échappent de leur carcan,
pareillement,
l'amour de la vie ouvre tous les chemins
 -cahoteux, rocailleux souvent
et jubilatoires aussi-
si nécessaires à l'esprit curieux
que toute expérience enrichit.
Dzovinar (2011) 

*****

Ne me demande pas
si je t'aime
Ce serait demander au soleil
s'il aime le jour
à la lune
si elle aime les étoiles
Ne me demande pas
si je te hais
ce serait demander à la rose
si elle abhorre ses épines
à la foudre, le tonnerre
au feu, l'enfer 
Tu es le yang et je suis le yin
Dzovinar
*****
L'imprécisé

"L'imprécisé de ton sourire
se traduira comme je veux"
disait la poétesse

Ainsi
moi aussi
je m'approprie 
l'imprécise
 dédicace

je me fais plaisir
sans nuire

Et si
d'aventure
la dédicace
m'était destinée
quel bonheur serait le mien
moi qui plus souvent croit
poussière d'étoile
que ce ne peut être
à moi 
que l'on s'adresse
qui ne suis
que le centre
de mon si petit monde
intérieur
où je me suis réfugiée
pour oublier
la laideur d'un monde
qui ne me concerne
plus
et que demain
je quitterai sans regret
hormis celui
d'abandonner ceux que j'aime.

Dzovinar
*****
Couleur  tendresse
paysage de neige
par touches délicates
d'un soleil hivernal
au ciel provençal
l'hiver s'en remet
au voeu du poète 
pas d'épais manteau neigeux
ni d'arbres aux troncs squelettiques.
Seule 
parmi les allées d'un espace harmonieux
l'ombre se promène 
dans la douceur mélancolique
et se console des prochains frimas
 regard perdu dans le bleu.
(2008)


Mendelssohn - Songs without Words Op. 19 No. 1 (Gortler)
*****
A Chaumes-en-Brie

Les sentiers 
ombres grises et roses et bleues
dans l'aube aux vapeurs blanches
ont vu nos pas heureux
quand, par les beaux dimanches,
regards étonnés, coeurs en harmonie,
émus par tant de beauté,
nous marchions silencieux.
La fraîcheur matinale
déployait nos poumons ;
aucun bruit ne venait rompre
la magie de l'instant
hormis
le pépiement timide
  d'invisibles oiseaux,
les clapotis argentins
d'un ru qui serpentait
dans ce coin de terre
hors du temps.
Les ombres bleues,
 dans les sentes du passé,
 se sont évanouies
 comme un doux songe
    dont il faut se réveiller.  
                                                                                  (2008)
***** 

Adieu petit Jivan, bonne chance

"J'ai le coeur plus tendre
que du lilas "
dit la chanson
et je me demande
comment  changer le mien
mais il n'est plus temps
toutes les années et les épreuves passées
auraient dû l'y aider
mais non
toujours il s'émeut
au moindre coup du sort
souffre à la plus infime égratignure
 il déraisonne 
rien ne pourra donc le changer
Adieu petit compagnon rêvé
à qui je renonce avant même
de t'avoir connu
c'est de ton image seule
que je me contente désormais
ouverte sur l'écran
de mon ordinateur
ton regard me scrute
et interroge
- pourquoi m'abandonnes-tu ?
ton bonheur est ailleurs
petit chaton 
celui que je t'offrais
n'était pas réaliste
c'est d'espace et de liberté
dont tu as besoin
et non de l'univers exigu
 de mon appartement 
Adieu petit Jivan
bonne chance
Dzovinar


Donnez-moi des couchers de soleil rouge
sur la mer
Des sommets, des cimes, des paysages
enneigés
que mes yeux s'en repaissent
jusqu'à l'aveuglement
pour qu'encore un peu
la douceur du bonheur simple
ravisse mon coeur
Le monde des hommes
est si médiocre
et mon impuissance à le changer
si grande !

Dzovinar

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Ange et démon

Ange et Démon
ils seront
quand les liens invisibles
au regard du monde
 secrètement lieront
d'un amour interdit
deux âmes
qui se ressemblent ...
L'une sublimant l'autre
elles seront
les miroirs 
d'un amour infini
qui défiera le temps
quand
deux âmes 
qui se ressemblent
vaincront les interdits

Dzovinar (2013)
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SI J'ETAIS ...

L'enfant disait :
Ô toi que j'aime tant
je voudrais être
assez grande
pour t'étonner
assez belle
pour t'éblouir
assez sage
pour te séduire
si telle était ma nature
m'aimerais-tu ainsi ?
Alors son rêve répondit :
 Innocente créature
l'amour n'obéit pas à ces lois
j'aimerais ce que tu es
si je t'aimais.

Dzovinar (2013)

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4 commentaires:

  1. Ils sont tous beaux mais j'aime beaucoup "Le cadeau de la rose" et surtout "l'obsidienne d'Arménie" qui me touche !
    Il y a de toute façon,je le ressent beaucoup de toi et de tes racines dans chacune de tes poésies.
    Gros bisous Dzovinar.
    Belle journée

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  2. C'est vrai qu'un poème reflète nécessairement les préoccupations, les questionnements, les ressentis de celui - celle - qui les écrit. Bonne semaine mon amie que j'embrasse affectueusement.

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  3. Bonjour j'aime beaucoup votre blog, où je retrouve un peu de mes racines car je suis petite fille d'arméniens, mes grands parents sont arrivés en France il y a un siècle mais j'ai l'impression que c'était hier.. de plus il me semble que nous avons d'autres points communs que j'ai retrouvé au fil de vos poèmes (le 5..) et à travers vos propos, je suis fille de tailleur de pierres mais je la taille aussi à ma façon depuis quelques années.. merci nous aurons encore des grenades sur nos tables en ces jours de fêtes et de fraternité Catherine G (petite fille Simonian)

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  4. Parev Catherine ! Je découvre votre commentaire avec beaucoup de plaisir ! Je suis toujours très émue de recevoir des témoignages qui reflètent d'autres parcours - si peu différents finalement. Merci de votre passage.

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Quelques lignes signalant votre passage me feront toujours plaisirs. Si vous n'avez pas de blog, vous pouvez néanmoins poster un commentaire en cliquant sur "Anonyme" et signer de votre nom ou un avatar. Amicalement,
Dzovinar