mercredi 22 novembre 2017

GÉNOCIDE Le HOLODOMOR ou la grande famine d'Ukraine de 1932-1933 - Nikos Lygeros




GÉNOCIDE

Le HOLODOMOR
 ou la grande famine d'Ukraine de 1932-1933

Nikos Lygeros

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De la confusion stratégique au génocide de la famine

N. Lygeros

Le Holodomor n’est pas un acte de barbarie de circonstance. Il est basé sur l’exploitation d’un schéma mental universel à savoir le principe de polarisation. Le stalinisme a utilisé un substrat cognitif soviétique pour transformer les victimes en personnes à éliminer. La polarisation s’est effectuée à partir de la notion de koulak. Au début de la révolution soviétique, ce mot avait un sens très précis essentiellement basé sur la propriété. Un koulak était via cette définition un ennemi de la révolution. Pour cette raison il devait être éliminé. Les soviétiques avaient donc l’habitude de considérer les koulaks comme des contre-révolutionnaires. Cette identification s’explique donc par l’esprit révolutionnaire. Et comme celle-ci était sortie victorieuse, elle offrait une belle occasion pour l’appareil de propagande staliniste. La polarisation s’est effectuée en mettant en place une confusion stratégique. Cette fois les koulaks n’étaient plus simplement des ennemis politiques mais un peuple tout entier. Dans le dogme stalinien, le koulak était avant tout un Ukrainien et dans son application, l’Ukrainien est devenu un koulak. Cette transition s’est effectuée graduellement car elle n’était fondée ni sur un argument politique ni sur un argument économique. Le peuple ukrainien n’était pas un ennemi dans son ensemble et il ne représentait pas plus une bourgeoisie particulière. Pourtant la polarisation de Staline a réussi la double identification, à savoir koulak = ukrainien = bourgeois. Cette manière polysémique de traiter la notion de koulak permet d’augmenter considérablement la plateforme offensive. Grâce à cette transformation subversive, le peuple ukrainien est devenu l’ennemi principal de toute la révolution soviétique et non seulement du stalinisme. Nous avons donc la mise en place d’une notion que nous pourrions qualifier de syncrétisme formel puisque nous avons l’identification formelle d’entités a priori non comparables. Ainsi la confusion stratégique a engendré une fusion tactique. Ce moyen n’était pas seulement capable de polariser et de mettre en évidence une cible unique mais aussi d’unifier l’ensemble de la population soviétique. En reconnaissant les mêmes schémas de l’ennemi initial, le peuple soviétique a été emporté par la vague stalinienne et sa masse critique s’est transformée en énergie capable de commettre un crime contre l’humanité et même un génocide. 

Il est nécessaire de comprendre cette exploitation de cette confusion stratégique pour concentrer les efforts des défenseurs des droits de l’homme sur le stalinisme. Attaquer globalement le communisme via la confirmation des parutions de Lénine et de Staline est une erreur stratégique. Car cela revient à utiliser à nouveau la confusion stratégique mise en place par Staline pour éliminer le peuple ukrainien. Pour lutter efficacement il est nécessaire de lutter contre le véritable ennemi à l’instar de ce qui est fait dans le cadre du génocide des Arméniens.

L'apport d'Artsakh
Cela peut paraître quelque peu paradoxal au premier abord mais pour les familles victimes du génocide arménien et pour les défenseurs des droits de l'homme qui luttent pour la reconnaissance du génocide, les combattants d'Artsakh constituent un exemple car ils ont montré que l'impossible n'est que provisoire...

Génocide et mix stratégique

N. Lygeros

Chaque peuple qui a subi un génocide considère que sa tragédie est unique. Pourtant l’histoire montre non seulement que les génocides ne sont pas un phénomène unique mais de plus que les bourreaux sont récidivistes. Malheureusement nous n’abordons jamais ce point de vue pour lutter contre le génocide de la mémoire. Alors que nous savons qu’un génocide n’est pas ponctuel et qu’il est le résultat de huit phases, nous étudions rarement l’enchevêtrement de phases de différents génocides ou crimes contre l’humanité. Le génocide des Arméniens atteint son paroxysme en 1915 mais il s’étend structurellement parlant sur la période 1896-1923. Au cours de cette période apparaissent d’autres dates comme celle de 1918 qui correspond au génocide des Pontiques mais aussi celle de 1922 qui correspond à la catastrophe de Smyrne. Sans parler de la loi sur la propriété de 1912. L’enchevêtrement de ces phases n’est que rarement utilisé pour accuser l’acte de barbarie commis par la Turquie. Pourtant cette dernière voyait bien ces actes comme une opération coordonnée. Le malheur de chaque peuple génocidé c’est de penser qu’il est seul à affronter la barbarie étatique. Le malheur divise et la barbarie règne. C’est pour cette raison que la Turquie se garde bien d’affronter de la même manière les peuples qui ont subi sa barbarie. Elle a trop peur de créer par contrecoup, un front uni contre elle. Pourtant ce front existe potentiellement même s’il n’est pas nécessaire que l’ensemble de ses membres ait subi un génocide. Une approche transversale est non seulement pertinente mais surtout efficace. Chaque témoignage corrobore les autres. De cette façon, nous n’avons plus un ensemble de cas, mais un véritable faisceau convergent. Pour voir un cas analogue, il suffit de considérer l’exemple ukrainien par rapport à la barbarie du régime stalinien. Certes les Ukrainiens ont subi un génocide de 1932 à 1933 mais il serait judicieux d’utiliser dans un même mix stratégique les Arméniens, les Géorgiens, les Grecs et les Pontiques pour démontrer l’authenticité d’une véritable politique d’épuration de la part de Staline. Cela ne prouve pas que le malheur des peuples soit identique. Mais cela permet d’activer stratégiquement un schéma mental de Gorki à savoir que l’union des malheureux peut rendre heureux. Cela implique d’avoir des connaissances historiques croisées, ce qui présuppose une plus ample étude. Néanmoins l’exemple arménien démontre combien cela est nécessaire pour lutter efficacement contre l’appareil de propagande turc. Car même si le génocide est incontestable, tout est contesté par la Turquie. Aussi nous devons la prendre en défaut et démonter chacun de ses arguments de contestation, en effectuant des recherches croisées. Car il est évident que la Turquie a tout intérêt à mettre en évidence les divergences formelles de ses victimes et affaiblir les points communs qui sont essentiels. Seulement ces points communs doivent être connus sinon nous observons la puissance de la séparation comme dans le cas chypriote où la Turquie bafoue les droits des Arméniens, des Chypriotes Grecs et Turcs, des Latins et des Maronites sans que ces derniers ne se concertent pour lutter contre l’ennemi commun. Heureusement le mix stratégique devient peu à peu une réalité et montre à toutes ces communautés son immense potentiel.


Hanna

N. Lygeros

aux ancêtres de K. Onisenko

Tes caresses me faisaient souffrir 
Je ne sentais que tes os 
Fins comme l’épi inexistant. 
Je ne pouvais supporter ton amour, 
Ma souffrance était plus grande. 
J’ai fermé les yeux 
Pour mourir plus vite 
Et pour que tu puisses vivre 
Et dire ce qui s’était passé. 
As-tu pu le dire ? 

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Le commencement de la résistance

N. Lygeros

Sur la couleur du blé 
Nous tombâmes tous ensemble 
pour que ne puisse nous séparer 
la mort de notre glèbe. 

Nous prîmes la terre de pierre 
peu avant d’étreindre 
pour la dernière fois 
l’histoire de notre patrie. 

Sous le corps du peuple 
nous perdîmes notre premier espoir 
pour libérer la mémoire 
du silence des ténèbres.

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Sous le poids du blé 

N. Lygeros

Un peuple tout entier n’a pu soutenir le poids du blé. 
Des millions de victimes fauchées en plein été 
pour effacer toute trace de résistance. 
Seulement nos os n’ont rien oublié 
et nous continuerons entassés les uns contre les autres 
à lutter contre l’hiver de l’oubli et de l’indifférence 
pour que le blé repousse un jour son poids.

*****
La voix du grand-père mort

N. Lygeros

Le champ de grand-père était la mémoire du peuple. 
Il connaissait chaque épi, il connaissait chaque combat. 
Il était né après, quand c’était trop tard. 
Mais le crime contre l’humanité 
Blessait la mémoire de la simplicité. 
Et la grande famine fit une autre victime 
Grand-père mourut dans l’indifférence. 
L’oubli vainquit une fois de plus l’histoire. 
Désormais la voix du grand-père mort 
Sera le combat du petit-fils.

***** 
La silencieuse

N. Lygeros

Elle cherchait dans une langue qu’elle ne connaissait pas 
Les traces des morts disparus. 
Parmi ces mots du passé 
Il y avait les condamnations de l’avenir. 
Il fallait soutenir l’évidence 
Et protéger la mémoire. 
Les injures des fanatiques proliféraient 
Mais elle, elle n’abandonnait pas. 
Elle savait que là-bas l’attendaient 
Les morts oubliés du génocide 
A qui on n’avait pas encore rendu justice. 

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Notions rares

N. Lygeros

Comment expliquer la Grande Famine 
A des personnes qui ne savent pas 
Ce que veut dire la faim ? 

Comment expliquer un Génocide 
A des gens qui ne savent pas 
Ce que veut dire la mort ? 

Il faut parler 
De la faim de la mort 
Et de la mort de la faim.

*****
Nous n’étions pas seulement des victimes

N. Lygeros

Nous avions les yeux crevés, 
les dents arrachées, 
les ongles ensanglantés, 
le crâne rasé, 
les membres tatoués 
mais nous n’étions pas seulement des victimes. 
Nous avions une histoire, 
une civilisation 
et des traditions 
mais nous n’étions pas seulement des ennemis. 
Nous avions une pensée 
mais nous n’étions pas seulement des morts. 

Nous étions des hommes et nous le resterons 
pour montrer l’ignominie de la barbarie. 

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Les millions de petits princes

N. Lygeros

Vous qui avez tant de mal à imaginer 
l’existence du petit prince 
en regardant les champs de blé, 
pouvez-vous imaginer des millions 
de petits princes 
tombés au champ d’horreur 
pour une poignée de blé ? 

C’est pourtant ce qui s’est passé 
en l’an de grâce 1933 
en Ukraine. 

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L’enfant de l’humanité

N. Lygeros

Tu m’as demandé de ne plus m’occuper 
des problèmes de l’humanité. 
Tu as raison, la vie est plus importante 
et l’humanité si abstraite. 
Seulement quand je vois cet enfant, 
celui qui est mort précisément 
car quelqu’un a décidé qu’il le fallait 
ne faudrait-il pas que nous fassions quelque chose pour lui ? 
Quand tu auras des enfants toi aussi 
si quelqu’un leur fait du mal 
ne demanderas-tu pas de l’aide ? 
Alors je serai de nouveau à tes côtés 
pour faire ce que tu juges inutile maintenant.

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L'ensemble des textes - dont sont extraits les analyses et poèmes ci-dessus - ici :


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