Le lundi 11 avril 2005, lors de sa visite officielle en Norvège, M. Erdogan avait déclaré : " Il appartient aux Arméniens de faire des excuses à la Turquie suite à leurs allégations erronées de génocide pendant la première guerre mondiale ". Et voici qu’à la veille du 24 avril 2013, c’est lui qui fait des excuses en bottant en touches. . D’aucuns trouveront un progrès. Alors qu’en réalité, rien n’a changé dans ce discours depuis qu’Erdogan est au pouvoir.
Et voici notre réponse de 2005 :
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Ces enfants arméniens qu’on enterra vivants pas centaines remuent encore sous la terre autour de Diarbékir pour vous demander pardon. Ces déportés torturés par la soif que vos gendarmes attachaient face aux rivières ou promenaient le long des fleuves en leur défendant d’approcher ne sauraient faire moins eux aussi que d’implorer votre grâce. Au nom de ceux qui se sont jetés dans les flots pour s’y noyer en apaisant leur soif ou de ceux qu’on fit boire aux rivières souillées par des cadavres arméniens, je vous demande pardon.
" Pardon " auraient dit ces enfants arméniens, sans père ni mère, qu’on vendait pour deux médjidiés, soit 1,20 euro, sur les marchés d’Istanbul, capitale ottomane. Ces filles qu’on passait aux soldats vous demandent elles aussi pardon d’avoir été violées ou d’avoir peuplé les harems de vos pères. On aurait pu aussi exiger de Madame Terzibachian d’Erzeroum de vous demander pardon pour avoir témoigné au procès Tehlirian en racontant comment à Malatia les femmes virent leurs époux tués à coups de hache avant d’être poussés dans l’eau et comment leurs bourreaux vinrent choisir les plus belles, transperçant de leur baïonnette celles qui s’y refusaient. Mais Madame Terzibachian n’étant probablement plus de ce monde, je vous demande pardon à sa place d’avoir porté l’accusation contre le soldat qui trancha la tête de son propre frère sous les yeux de sa mère aussitôt foudroyée, et qui jeta son enfant pour la seule raison qu’elle le repoussait.
Pardon de vous avoir offensé au nom des Arméniennes de Mardin dont on déshonora les cadavres encore frais. Les Arméniens qu’on jeta par centaines dans les gorges du lac de Goeljuk, non loin de Kharpout, selon ce que le consul américain nous en a rapporté, s’excusent par ma bouche d’avoir porté atteinte à votre honneur que leur mort accuse les Turcs de les avoir acculés dans une nasse avant de les égorger. Je vous fais grâce de ces restes humains qu’on dépouilla de tout, de leurs maisons, de leurs biens, de leurs vêtements, de leurs enfants, et ces enfants de leurs propres parents, de leur innocence, de leur virginité, de leur religion, de l’eau qu’on boit quand on a soif, du pain quand on a faim, de leur vie autant que de leur mort, de leur paysage familier et de la terre de leurs ancêtres…
De tous ces gens me voici leur porte-parole, ils parlent en moi, je les entends agoniser dans mon propre corps, pour vous demander pardon d’avoir existé, pardon d’avoir été trompés, turcisés, torturés, ferrés comme des chevaux, violés, égorgés, éviscérés, démembrés, dépecés, brûlés vifs, noyés en pleine mer, asphyxiés, pour tout dire déshumanisés… Car vous n’êtes en rien responsable des malheurs absolus que vos frères inhumains firent subir aux nôtres, frères humains trahis dans leur humanité. Non, l’histoire de vos pères n’est pas votre histoire. L’histoire de la Turquie ne naît pas sur ces champs de cadavres arméniens. Et pourquoi donc supporteriez-vous les péchés de vos pères ? Qui oserait vous faire croire que ces maisons désertées par les Arméniens ont été aussitôt habitées par les vôtres ? Que des villages entiers, vidés de leurs habitants naturels, ont été occupés par les vôtres, au nom d’une légitimité illégitime ? Que la ville de Bursa comptait 77 000 Arméniens durant la période ottomane, plus que deux au premier recensement ? Que les richesses de ces Arméniens pourchassés, déportés, anéantis aient nourri ces prédateurs qui furent d’une génération dont vous ne fûtes nullement engendré, Monsieur Erdogan. Il faut que les Arméniens s’excusent d’avoir été là où vous n’étiez pas encore. Qu’ils s’excusent d’avoir proclamé depuis 90 ans, d’une manière ou d’une autre, par des livres ou de vive voix, par leur mort sur les chemins du désert ou leur vie dispersée aux quatre coins du monde, que le génocide arménien est et sera toujours le fond noir de l’identité turque.
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