samedi 14 novembre 2015

Massacre à Paris, par Ara Toranian



Massacre à Paris, par Ara Toranian

Commencée dans le sang avec les attentats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher, l’année 2015 est en train de se terminer dans l’horreur à Paris, avec le massacre du Bataclan. La capitale de la France est à nouveau frappée en son cœur par le djihadisme et la violence aveugle. À l’heure où s’écrivent ces lignes, plus de 120 victimes sont à déplorer, dont de nombreux jeunes qui n’ont eu pour seul tort que de se trouver là, au mauvais moment, sur le passage de ces tueurs fous qui prétendent nous ramener au moyen âge.

Le choix des cibles en dit long sur la mentalité de ces criminels : une salle de concert, un stade de foot, des lieux de vie et de joie. Ainsi que le quartier de la République, dont le nom constitue en soi tout un symbole et qui avait vu démarrer, à ce titre, la manifestation du 11 janvier 2015.

Le spectacle de désolation laissé par les tueurs provoque une immense émotion. Et comme les Arméniens étaient Charlie en janvier dernier, ils sont en ces moments terrifiants plus citoyens et plus français que jamais, alors qu’il apparaît bien que la France est en guerre. Une guerre mondiale qui a déjà frappé nos compatriotes du Moyen-Orient, dans cet autre pays d’accueil qu’était la Syrie, démantelant sur son passage une des dernières communautés arméniennes de la région. Une folie criminelle qui en s’attaquant le 23 septembre 2014 au mémorial de Der Zor en Syrie - Auschwitz du génocide arménien - a poussé jusqu’au bout sa logique, en montrant qu’elle ne respectait rien : ni les vivants et ni les morts. Ce sont ces mêmes barbares qui viennent de toucher la France en son cœur.

Au-delà de l’émotion, puissent ces tragiques événements ouvrir les yeux sur la réalité d’un ennemi déclaré de la civilisation, qui ne représente pas seulement un énième avatar du « terrorisme », mot valise bien commode pour amalgamer comme le fait monsieur Erdogan les Kurdes et les barbares de Daech, mais qui incarne le mal absolu. Un fléau avec lequel les dirigeants turcs qui versent aujourd’hui des larmes de crocodile ont joué durant des années pour déstabiliser politiquement la Syrie, et sur lequel il est hélas à craindre que leur pouvoir a prospéré, comme le laissent supposer les doutes qui demeurent sur l’implication directe ou indirecte de leurs services dans les attentats anti-kurdes de Suruç le 21 juillet et d’Ankara, le 10 octobre, soit trois semaines avant les élections qui ont donné la majorité aux islamistes de l’AKP.

Au-delà des postures et des hypocrisies, puissent ces terribles événements amener nos gouvernants à hiérarchiser les priorités et à faire preuve de réalisme pour éradiquer la bête immonde qui vient une nouvelle fois propager la terreur sur le territoire national. Ce qui implique pour le moins de ne laisser quiconque frapper dans le dos les forces qui résistent sur le terrain à Daech, au premier rang desquelles se trouvent les Kurdes, mais aussi, avec les maigres moyens qui leur restent, les chrétiens d’Orient. Autant de peuples que l’on a laissé mourir durant tout le XXe siècle, affaiblissant ainsi les défenses de la civilisation et de son premier corolaire : la tolérance. Tant il est vrai que la démocratie n’est pas, comme le disait Camus, la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. Des minorités qui continuent d’être les cibles privilégiées de cette sauvagerie revendiquée osant tuer, encore, au nom de Dieu.

Ce sursaut doit également se traduire par une affirmation sans faille de ces valeurs de la République qui avaient inspiré, en d’autres moments, le programme du Conseil National de la Résistance. Le CCAF (Conseil de coordination des organisations arméniennes de France) l’avait dit au lendemain des attentats de janvier dernier : l’important n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque fois, ensemble et solidaire. Alors que le sang n’a pas encore séché dans les rues de Paris, et que le terrible ballet des sirènes d’ambulances n’en finit pas de rappeler l’horreur qui vient de se dérouler sous nos yeux, cette leçon qui guide tous les combats de la cause arménienne, vaut plus que jamais pour notre pays : la France.

samedi 14 novembre 2015,
Ara ©armenews.com

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