jeudi 10 août 2023

Ecrittératures 9 août 2023 REVANCHE DE LA VERITE (2)


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Dans son livre sur l’Arménie, publié en 1967 (La paix soit avec vous, notes de voyage en Arménie, Ginkgo éditeur, 1989), Vassili Grossman consacre le chapitre IV (censuré lors de la première publication en russe) aux rapports entre national et humanité. Il y écrit entre autres : «  Le nationalisme d’un petit peuple, perd avec une insidieuse facilité, son fondement humain et noble. » L’écriture de son grand roman Vie et destin lui avait déjà permis de comprendre comment le nationaliste infuse dans l’humain. L’intrication subtile de l’un et l’autre lui vaut des réflexions déjà développées dans son roman et vérifiées sur place en Arménie.

Le caractère national est ce qui se surajoute au caractère humain. Celui-ci est le substrat de l’autre. En somme, l’humanité serait comme un riche nuancier où chaque couleur représenterait les us et coutumes d’un peuple donné. Ce qui établit qu’au-delà des particularités nationales, tous les peuples sont frères en humanité. Malheureusement, les nationalismes renversent les rôles, donnant la prééminence au national au détriment de l’humain. La « déification du national » constitue un mépris pour ce qui fonde l’humanité. Or toute nation qui lutte pour sa liberté lutte avant tout pour le respect de sa dignité humaine. Cette équation se pervertit dès lors que la dignité nationale glisse vers un sentiment de supériorité nationale, à savoir vers le développement de « guerres injustes, d’asservissement des peuples et des pays ». «  L’extase nationaliste des petits peuples opprimés naît comme un moyen de sauvegarder leur dignité et leur liberté. » Chez les Arméniens, la priorité nationale s’est muée en supériorité nationale, pour ne pas dire nationaliste. Supériorité qui place Garni plus haut que l’Acropole, qui accorde plus de génie à un Toumanian qu’à un Pouchkine. Dans ce sens, toute comparaison s’établit d’avance au profit d’une excellence nationale dans tous les domaines de l’art et de la pensée. Fanatisme qui donne l’impression d’interlocuteurs privés de raison. Ce qui conduit à dire que la quête de la dignité nationale peut provoquer la perte de la dignité humaine. Alors que la vraie richesse humaine consiste à unir le national et l’humain, et non à privilégier le national au détriment de l’humain. «  Ce n’est qu’en élevant inlassablement l’humain, ce n’est qu’en unissant le national à l’humain que l’on peut accéder à une authentique dignité, et donc à une authentique liberté » (Toutes les citations appartiennent au chapitre IV). 


Denis Donikian

(à suivre)

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