Triste date pour les victimes du génocide arménien : Presque 100 ans après les faits, la CEDH vient de consacrer le négationnisme au nom de la liberté d’expression La Cour européenne des droits de l’Homme vient de rendre son arrêt dans l’affaire opposant depuis 2005, Monsieur Dogu PERINCEK, Président du parti des travailleurs turcs, ayant qualifié le génocide arménien de « mensonge arménien », à la Suisse, qui l’avait condamné en 2007 pour discrimination raciale. La CEDH, saisie par Monsieur Dogu PERINCEK suite à sa condamnation, vient de donner raison à l’auteur des propos et a condamné la Suisse pour violation du principe de la liberté d’expression. Je suis stupéfaite de voir qu’au nom de la liberté d’expression que protège à juste titre la CEDH, puisse être tolérée voire consacrée la négation d’un génocide dont la spécificité est d’être, à la fois, l’objet d’un déni de justice historique et d’un déni politique actuel. Je souhaite alerter l’opinion publique quant aux dérives d’interprétation et d’instrumentalisation, l’arrêt de la CEDH intervenant au demeurant dans un contexte très précis. En effet, la Cour a estimé que les autorités suisses n’ont pas démontré que la condamnation du requérant répondait à un « besoin social impérieux » ni qu’elle était « nécessaire pour la protection de l’honneur et les sentiments des descendants des victimes des atrocités qui remontent aux années 1915 ». Sans doute, cet arrêt s’interrogeait, avant tout, sur les rapports limités de la société suisse au problème de la négation du génocide arménien, mais sa portée et sa symbolique risquent fort d’être instrumentalisées prochainement à l’échelle européenne et notamment en France. D’autant plus que le juge de Strasbourg semble loin de la réalité et du vécu quotidien des centaines de milliers d’européens d’origine arménienne. Ainsi, la Cour estime que les propos du requérant « n’étaient pas susceptibles d’inciter à la haine ou à la violence » (p.48). Cette formule est proprement choquante. Elle reprend l’un des arguments des opposants à la proposition de loi réprimant la négation du génocide arménien, presque deux ans jour pour jour après son vote au Parlement, qui ont saisi le Conseil constitutionnel en arguant : « A ceux qui pourraient s’offusquer des conséquences de ce constat, qui pourraient s’étonner de ce qu’il faille attendre la survenue éventuelle de troubles graves pour y remédier, au risque, ce faisant, de les encourager, on répondra que c’est effectivement le prix normal de la liberté : celle-ci ne saurait être limitée pour faire face à des dangers qui ne seraient que virtuels ».
Mais qu’attendons-nous au juste ? Que soient multipliées les provocations ? Que continuent les exactions et les profanations ? Que l’on compte les morts ? Quand aurons-nous atteint la limite de l’horreur qui pourra permettre de qualifier la négation du génocide d’incitation à la haine et à la violence ? Comment expliquer que sous couvert de liberté d’expression et de recherche de la vérité historique, les négationnistes aient réagi à ma proposition de loi en piratant mes accès internet, en tentant des actes terroristes contre mes collaborateurs, en m’adressant des menaces de mort ayant conduit à mon placement sous protection policière ?
La décision est d’autant plus inquiétante que la Cour « partage l’avis du gouvernement turc selon lequel la négation de l’holocauste est aujourd’hui le moteur principal de l’antisémitisme (…) On ne saurait affirmer que le rejet de la qualification juridique de ‘‘génocide’’ pour les événements tragiques intervenus en 1915 et dans les années suivantes puissent avoir les mêmes répercussions » (p.48). Tous les génocides ne seraient donc pas égaux selon la CEDH. En introduisant cette notion de « besoin social impérieux », en tombant dans le piège du comparatisme dénigrant entre le génocide arménien et la Shoah, entre le déni de justice de l’un et l’autorité du jugement de l’autre, c’est une invitation à la haine, à la violence et au libre déferlement du déni qui s’ouvre.
Cette affirmation est très grave et relève de la concurrence des mémoires, comparatisme qui est profondément malsain et intolérable. Je tiens à faire savoir que je ne suis pas dupe de la volonté politique délibérée sous-jacente de consacrer le négationnisme. Je tiens à exprimer également ma profonde affliction face au constat bien triste pour l’Europe qu’une manœuvre politique aussi grossière permette de consacrer le négationnisme et de porter préjudice à cette cause universelle qu’est la reconnaissance du génocide arménien.
Les autorités helvétiques ont maintenant trois mois pour interjeter appel ; j’espère vivement qu’elles agiront rapidement. En France, à l’heure où François Hollande annonce avoir rencontré hier les responsables du Conseil de coordination des associations arméniennes de France (CCAF), le communiqué de presse de l’Elysée ne dit pas un mot sur la loi de pénalisation que les Français attendent depuis son élection et qu’il a promis le 24 avril 2012 au pied de la statue de Komitas. Bien au contraire, François Hollande se rendra en Turquie dans un mois.
Au 1er décembre 2014, si la France n’a toujours pas transposé la décision-cadre du Conseil de l’Union de 2008 portant sur son obligation de légiférer, notamment sur le négationnisme, elle risquera une amende de cinquante millions d’euros.
L’arrêt de la CEDH : http://hudoc.echr.coe.int/ sites/fra/pages/ search.aspx#{"sort""kpdate Descending"],"documentcollecti onid2""GRANDCHAMBER","CHAMBER" ,"COMMITTEE"],"itemid""001-139 276"]} Le communiqué de l’Elysée du 17 décembre : http://www.elysee.fr/ communiques-de-presse/article/ entretien-avec-les-representant s-du-conseil-de-coordination-d es-organisations-armeniennes-d e-france
Par : Richard Findykian
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