vendredi 13 novembre 2020

Nikol Pachinian : « Cet accord n’envisage pas une solution de fond à la question de l’Artsakh : il implique seulement la cessation des hostilités »

SOURCE : NAM (Nouvelles d'Arménie)


Discours de Nikol Pachinian : « Cet accord n’envisage pas une solution de fond à la question de l’Artsakh : il implique seulement la cessation des hostilités »

Ci-dessous la traduction de l’allocution de Nikol Pachinian adressée à la nation arménienne, ce 12 novembre 2020 :


Chers compatriotes,

Mes sœurs et frères,

L’Arménie et le peuple arménien traversent des jours cruciaux. Il y a du chagrin dans le cœur de nous tous, des larmes dans nos yeux, de la douleur dans notre âme. La fin de la guerre, qui avait débuté le 27 septembre, avec la signature d’un accord conjoint du Premier ministre arménien, des présidents russe et azerbaïdjanais le 10 novembre, a provoqué le désespoir de la population et soulevé de nombreuses questions. Je suis là pour y répondre.

Pourquoi un document aussi défavorable a-t-il été signé pour l’Arménie ? Cela s’est produit dans les conditions où l’état-major général des forces armées de la République d’Arménie n’arrêtait pas de rapporter que chaque minute comptait et que la guerre devait être arrêtée le plus tôt possible. Et le président de l’Artsakh a averti que, si les hostilités ne s’arrêtaient pas, nous pourrions perdre Stepanakert en quelques jours et, selon certains scénarios, même en quelques heures.

Beaucoup peuvent dire que, si nous avions déjà perdu Hadrut, Shushi, nous aurions pu aussi perdre Stepanakert, et que rien ne changerait. La réalité, cependant, est un peu différente, car si nous avions perdu Stepanakert, qui, comme le président de l’Artsakh Arayik Harutyunyan l’a déjà confirmé dans ses remarques publiques, était dans l’ensemble sans défense à l’époque, alors Askeran et Martakert auraient été perdus de manière prévisible et inévitable. Tout simplement parce que ces villes étaient à l’arrière au moment où la guerre a commencé car elles étaient assez éloignées de la ligne de front et manquaient de structures défensives et de fortifications. Il n’y avait pas non plus assez de forces combattantes capables de défendre ces villes.

Et que se passerait-il après la chute de ces villes ? Les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième défenses de l’armée de défense seraient assiégées par l’ennemi, ce qui signifie que plus de 20000 soldats et officiers arméniens auraient pu se retrouver encerclés par les troupes ennemies, risquant inévitablement d’être tués ou capturés. Dans ces conditions, bien entendu, la chute des régions de Karvachar et Kashatagh aurait été inévitable, conduisant à une catastrophe complète.

En raison de la logique de l’époque, beaucoup peuvent se poser la question : pourquoi étais-je si inquiet pour la sécurité de nos soldats au moment de la signature du document et pourquoi n’étais-je pas si inquiet avant ? En termes opérationnels, le fait est que tout commandant a une fonction clé, à savoir fixer des tâches de combat qui ont un objectif tactique ou stratégique spécifique, et le commandant devrait fixer ces tâches, sachant que leur mise en œuvre pourrait entraîner la mort de ses soldats. En ma qualité de commandant en chef, j’ai en fait confié ces tâches à l’armée dès le premier jour de la guerre. Dans une situation où le soldat ne peut pas influencer le cours des événements, ce n’est plus le soldat qui doit périr pour le bien de la patrie, mais la patrie doit faire des sacrifices pour le bien du soldat. Le commandant ne doit pas donner d’ordre pouvant impliquer la mort de ses soldats.

Dans cet esprit, j’ai signé ce document notoire et, quand je l’ai signé fait, j’ai réalisé que j’étais confronté à la menace de ma mort personnelle, non seulement au sens politique mais aussi physique. Mais la vie de 25 000 soldats était plus importante, je pense, et pour vous aussi. La vie de nos soldats rendant service à la patrie était menacée. De plus, ces soldats n’avaient aucune chance d’influencer la situation à l’arrière, il n’y avait plus de forces combattantes à l’arrière qui pouvaient exercer une influence réaliste sur la situation, et par conséquent, il était temps pour le commandant de risquer sa propre vie pour le bien de ses soldats, à la fois physiquement et politiquement. Il était temps pour la patrie de faire des sacrifices pour ses soldats qui n’épargnaient rien pour la patrie, et j’ai signé ce document dans cet esprit.

De plus, dans cette situation et dans ces conditions, la question n’était plus à trancher dans les jours et les semaines : il fallait prendre une décision. Cette décision devait être prise en quelques heures, sinon un processus aurait pu commencer qui aurait pu aboutir à la mort ou à la captivité de quelque 10 000, 20 000, 25 000 soldats arméniens.

Beaucoup de gens se posent la question suivante : pourquoi n’ai-je pas démissionné avant de signer ce document ? Parce que cela signifierait la désertion, cela signifierait se débarrasser de ma part de responsabilité et la mettre sur les épaules de quelqu’un d’autre, en espérant que plus tard les gens diront que le Premier ministre Pachinian était si patriotique qu’il ne signait pas ce document humiliant. Et aussi parce que, comme je l’ai dit, les décisions devaient être prises en quelques heures, sinon la roue pouvait tourner, et nous n’aurions plus eu le temps d’arrêter le cours des choses de quelque manière que ce soit.

Pourquoi alors n’ai-je pas consulté la nation avant de signer ce document ? Pour une raison très simple. En parlant à la population, j’aurais présenté la situation objective, c’est-à-dire que j’aurai fourni à l’ennemi des informations détaillées sur la situation. En outre, cela aurait voulu dire présenter un plan détaillé pour bloquer nos 25 000 soldats pendant des heures, avec toutes les conséquences qui en auraient découlées.

En outre, j’ai promis de discuter avec le peuple des options pour le règlement de la question du Karabagh, et cet accord n’envisage pas une solution de fond à la question : il implique seulement la cessation des hostilités. La question du Karabagh n’a pas été résolue avant la signature de la déclaration susmentionnée, ni n’a été réglée après. Il reste encore beaucoup à faire à cet égard.

La question suivante qui est compréhensible et qui se pose naturellement est : pourquoi dans de telles conditions n’a-t-il pas été possible de parvenir à un cessez-le-feu dans les premiers jours de la guerre, ou peut-être un peu plus tard ? Il y avait deux raisons à cela. Premièrement, nous avons dû céder sept districts, dont Shushi, sans combat, et deuxièmement, la situation militaire a fait naître l’espoir qu’en mobilisant de nouvelles ressources, nous serions capables de relever le défi avec des efforts surhumains. C’est la raison pour laquelle le président de l’Artsakh et moi-même avons continué à appeler les gens à s’engager pour la défense de la patrie, mais nous avons également essayé de faire en sorte que notre message ne décourage pas les combattants sur la ligne de front, ne sème pas le désespoir et ne donne pas à l’ennemi des détails inutiles sur nos difficultés.

Nous, le président de l’Artsakh, le chef d’état-major général des forces armées, le commandant de l’armée de défense, moi-même et le gouvernement arménien, les représentants de notre équipe politique et, bien entendu, d’abord et avant tout nos soldats, les volontaires, les officiers et les généraux ont tout fait pour défendre chaque centimètre carré de notre territoire. Notre armée a combattu héroïquement. Nos troupes ne se battaient pas pour se rendre, mais pour garder ce que nous avions ; ils se sont battus non pas pour perdre, mais pour gagner. Et ils ont pratiquement combattu trois armées. Mais, malheureusement, comme le président de l’Artsakh l’a mentionné dans son message d’hier, nous n’avons pas été en mesure de fournir à l’armée un soutien suffisant.

En effet, avec ses nombreuses manifestations héroïques, le mouvement des volontaires et de la mobilisation n’a pas été assez fort pour faire face au défi car nous étions confrontés à une réalité dont il n’y avait tout simplement pas d’autre issue.


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