jeudi 12 novembre 2020

« Où je meurs renaît la patrie » (Louis Aragon) : DÉFAITE du TRIOMPHALISME - DENIS DONIKIAN

Où je meurs renaît la patrie » (Louis Aragon) : DÉFAITE du TRIOMPHALISME -

est parfois ce qui arrive, lorsque, durant quarante-quatre jours de guerre, on ment à son peuple sur la réalité du champ de bataille ». Ces mots atroces et justes de Rémy  Ourdan, journaliste au Monde, qui introduisent son article du 12 novembre 2020, donnent la mesure du coup fatal que la paix imposée et consentie au Karabagh a provoqué chez tous les Arméniens.


Pour le moins, cela signifie que, durant cette guerre, en matière d’information intra-arménienne et autres, les manipulateurs ont joué d’une indécence qui, pour avoir été justifiée, n’en fut pas moins ressentie comme cynique. Quant aux bernés, ils auraient bel et bien pêché par naïveté triomphaliste au point d’endormir l’usage le plus élémentaire du soupçon et du doute. Aujourd’hui l’effet de ce double jeu se traduit par le choc qu’est venu provoquer ce diktat à la russe, par la souffrance survenue après une déclaration de paix surprenante autant que brutale, et par l’explosion d’une colère folle chez les Arméniens maximalistes. Encore faudrait-il savoir exactement quels marionnettistes mal intentionnés, sinon revanchards, tirent en coulisses les ficelles de ces acrimonieux pour couler Pachinian, le signataire de cette pax russica dans la Caucase.


Imformer son peuple en temps de guerre sachant que l’oreille ennemie est à l’écoute n’est pas un exercice facile, surtout quand la flamme du combat et l’union sacrée doivent être maintenues au plus haut chez ceux des Arméniens qui se trouvent sur la ligne de contact et ceux qui s’activent à l’arrière à distances variables, tant en Arménie qu’en diaspora. Or, quand les informateurs étrangers faisaient état, avec cartes à l’appui, des avancées ennemies coûteuses en hommes mais inexorables, les nôtres nous serinaient que tout était sous contrôle. On se gargarisait d’un drône abattu, d’un char neutralisé, de soldats liquidés, exhibant un décompte d’adversaires morts et d’armes anéanties comme si dans le chaos d’une guerre l’observation pouvait être infaillible et que ce genre de bilan prévaut sur le constat de la progression ennemie. Or, force est de constater aujourd’hui que, d’une certaine manière, le triomphalisme bête circulant sur les réseaux sociaux nous est revenu en pleine figure. Que  cette antienne «  Haghtelou enk » ( Nous allons gagner !), chantée sur tous les tons, s’est dégonflée comme un ballon de baudruche à l’annonce de la fâcheuse signature de paix. Combien de fois n’avons-nous pas ridiculisé aussi bien nos ennemis, combattants de pacotille, que leur chef, coutumier de déclarations enflammées par la haine anti-arménienne. Au lieu de reconnaître que seul est journaliste l’informateur de terrain, nous avons moqué des articles sérieusement documentés qui nous étaient défavorables. Et quand Chouchi était déjà occupée, on nous affirmait que des combats très durs s’y déroulaient, probablement pour masquer le fait que les Azéris se trouvaient à trois kilomètres à peine de Stepanakert.  Voilà pourquoi l’annonce d’une restitution de Chouchi à l’Azerbaïdjan aura littéralement pris au dépourvu plus d’un Arménien. Sans parler du Président de la République qui n’aura jamais été informé du plan de paix. Même lui… Même si le temps de guerre n’invite pas à la transparence, même si la situation critique a bel et bien été évoquée, on doit reconnaître que les cachotteries ont eu des conséquences néfastes sur l’issue de la guerre, sur la diaspora et qu’elle en aura probablement sur l’Arménie, les charognards anti-Pachinian n’attendant pas mieux pour jeter à terre le sale gosse qui leur cherche des poux et reprendre leurs sales besognes.


Denis Donikian

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