mercredi 15 juin 2016

Les États-Unis jouent l’escalade contre la Russie par Valentin Vasilescu

Les États-Unis jouent l’escalade contre la Russie

par Valentin Vasilescu

Pour poursuivre son occupation de l’Europe occidentale et centrale, Washington multiplie les mises en garde contre le « péril russe ». Une intense campagne de presse dénonce la propagande ex-soviétique tandis que les experts militaires alertent sur le déséquilibre des forces et la nécessité du bouclier états-unien. Dernier avatar de cette hystérie organisée, un rapport de la Rand Corporation sur une possible —mais improbable— invasion russe des États baltes.
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L’Alliance atlantique a un PIB de 35 000 milliards de dollars, mais ne dépense annuellement pour sa défense que 1 000 milliards de dollars (dont 700 milliards incombent aux seuls États-Unis). Pour donner le ton, Washington a alloué pour 2016 environ 3,4 milliards pour renforcer le flanc Est de l’Otan, soit quatre fois plus qu’auparavant. Ce budget comprend le déploiement dans six pays d’Europe orientale, de 4 000 GI’s, 250 chars et véhicules de transport Bradley, des canons automoteurs Paladin, accompagnés de 1 700 autres véhicules blindés.
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Étant donné que les membres de l’Otan ne sont pas disposés à allouer des sommes importantes à cette fin, le Pentagone crée toutes sortes de scénarios apocalyptiques visant à faire pression sur ses alliés pour contribuer à un dispositif énorme de « dissuasion » contre la Russie, avec des coûts annuels supplémentaires de 2,7 milliards de dollars. Les États-Unis ont obligé les États neutres riverains de la mer Baltique, comme la Suède et la Finlande, à organiser des exercices de l’Otan sur leur territoire. Parallèlement à cela, les opérations militaires couronnées de succès de la Russie en Crimée et en Syrie, ont créé la fureur du Pentagone qui dispose encore de 35 000 hommes en Europe, par rapport aux 200 000 des années 80.
Pour dissimuler ses intentions, le Pentagone a commandé une étude de la Rand sur le scénario d’une éventuelle confrontation militaire avec la Russie sur les territoires baltes, partant du principe que l’agression reviendrait à la Russie [1]. Le but de cette étude est de suggérer que pour ne pas être obligée d’accepter la défaite face à la Russie, avec des conséquences désastreuses, l’Otan devrait investir dans la région baltique pour se préparer à attaquer la Russie. Scénario plus que plausible, comme je l’ai expliqué dans un article précédent [2].
Le scénario de l’attaque par la Russie des pays baltes n’est qu’une diversion parce que la Russie n’a aucun intérêt militaire ou économique dans les trois anciennes Républiques soviétiques, qui ont adhéré à l’Otan, la Russie l’ayant accepté en 2004. Pourquoi Moscou occuperait-il les pays baltes, où la minorité russe peut accéder à la fonction publique, ce qui lui permet d’obtenir des informations de l’Otan ? Cependant, en supposant que la Russie s’engage dans la conquête des pays baltes, elle ne gagnerait rien dans cette aventure, sinon une plus grande entrée dans une mer Baltique, qui ressort dans la mer du Nord par le détroit de Skagerrak contrôlé par le Danemark, la Norvège et l’Allemagne, trois États membres de l’Alliance. Qu’est-ce que la Russie pourrait faire ensuite ? Occuper ces pays afin de s’ouvrir la voie vers l’Atlantique ?
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Selon ce scénario, imposé par le Pentagone aux experts, la Russie devrait occuper les trois États baltes en 36 à 60 heures environ. L’analyse de la Rand a pris en compte, dans ses calculs, des forces terrestres de l’Otan composées de sept bataillons d’infanterie, deux bataillons d’infanterie motorisés et deux mécanisés, tous fournis par les trois États baltes. Ce qu’ont omis les experts de la Rand, c’est que les 11 bataillons baltes (qui représentent trois brigades) sont si mal armés qu’ils ne peuvent même pas faire face à une brigade mécanisée russe, composée de quatre bataillons.
Aux forces armées des États baltes auraient été ajoutés deux bataillons aéroportés, deux bataillons d’hélicoptères d’attaque et une brigade mécanisée, tous appartenant aux États-Unis. Après les 24 premières heures de l’offensive, l’Otan pourrait déployer deux bataillons aéroportés britanniques, deux bataillons polonais de chars et une autre brigade aéroportée US. En définitive, l’Otan peut compter sur quatre à cinq brigades de forces terrestres.
Selon les spécialistes de la Rand, la Russie peut concentrer quatre bataillons de chars, cinq d’infanterie mécanisée, quatre d’infanterie motorisée, huit aéroportés et trois d’infanterie de marine (stationnés à Kaliningrad), trois bataillons d’artillerie lourde, deux bataillons lanceurs de roquettes lourds, cinq bataillons de lanceurs de roquettes de moyen calibre, deux bataillons de missiles Iskander, deux bataillons de missiles tochka, six bataillons d’hélicoptères d’attaque. Ainsi, la Russie pourrait compter sur 10 à 11 brigades de forces terrestres, ce qui signifie un rapport de forces de 2,7 contre 1 en faveur de la Russie. Le dispositif de l’Otan comprend beaucoup de forces aéroportées, c’est à-dire des unités d’infanterie légère sans chars ni soutien de feu par lance-roquettes ou des missiles tactiques, ce qui porte en fait le rapport de force à 4 contre 1 en faveur des Russes. Une bonne conclusion des spécialistes de la Rand est que, sans la présence, dès le début des hostilités, d’au moins sept brigades de l’Alliance (dont trois de blindés lourds soutenues par beaucoup d’artillerie), il sera impossible d’opposer une véritable résistance à la Russie.
Le scénario des spécialistes de la Rand prend en compte les forces aériennes de l’Otan basées en Lituanie : une escadrille (12 à 14 avions) de chasseurs F-15 C US et deux escadrilles multi rôle britanniques avec des Eurofighter Typhoon. L’Alliance pourra mettre en action, à partir de la Pologne, deux escadrilles polonaises avec des F-16, une avec des MiG-29, deux escadrilles US avec des F-16 ou danoises avec également des F-16, une escadrille française avec des Rafales, et six avions canadiens CF 18. À partir des bases situées en Suède, l’Otan pourra également mettre en action une escadrille de chasseurs F-15 C, et autres de chasseurs-bombardiers F-15 E, six avions d’attaque au sol A-10, une escadrille furtive F-22 —toutes états-uniennes— et une escadrille norvégienne de F-16. Deux escadrilles de F-18 pourraient opérer à partir d’un porte-avions US situé dans la mer du Nord. Une escadrille de chasseurs-bombardiers F-15 basée en Angleterre et une escadrille de bombardement à longue portée B-1B à partir des Etats-Unis pourraient prendre part aux opérations.
Les forces aériennes que la Russie pourra opposer, se composent de neuf escadrilles de Su-27, deux escadrilles de chasseurs-bombardiers légers Su-34, trois escadrilles d’avions multi-rôle MiG-29, quatre escadrilles de chasseurs MiG-31, cinq escadrilles de bombardiers légers Su-24, quatre escadrilles de bombardiers lourds Tu-22M3.
Plutôt que de chercher une occasion de se confronter à la Russie dans une attaque surprise à partir des pays baltes qui pourraient déclencher une guerre dévastatrice, sur plusieurs continents, les États-Unis feraient mieux d’entamer le dialogue avec la Russie avant toute escalade dans l’armement de la région.
Malheureusement, Washington reste sur une position agressive, sabordant toute tentative de dialogue avec Moscou et se soustrayant à tout régime de contrôle réciproque des armes conventionnelles en Europe. Cette position lui permet d’apporter, en continu, d’autres forces supplémentaires dans la région. Le dialogue permettrait de limiter les forces conventionnelles et la quantité de matériel militaire des deux côtés de la frontière Otan-Russie.

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