lundi 12 juin 2017

Notre chien Lolo et les bombardements de 1943 - Jean V. Guréghian




Notre chien Lolo et les bombardements de 1943

par Jean V. Guréghian















Ma mère, ma sœur, moi et notre chien Lolo à Auvers-le-Hamon (Sarthe) en 1943

Notre chien Lolo et les bombardements de 1943

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Les médias ont diffusé, ces derniers temps, un fait divers incroyable. Un chat nommé Cookie a parcouru la France pendant un an et demi, pour retrouver sa maîtresse. Cette histoire est complètement irrationnelle et tient du miracle.

En 1943, nous avons vécu avec notre chien une histoire similaire, tout aussi incroyable mais avec une moindre distance parcourue par l’animal.

Nous habitions, à cette époque, mon père, ma mère, ma sœur et moi à Colombes, en région parisienne. Ma sœur avait 12 ans et moi 9 ans. Suite aux bombardements anglo-américains incessants sur notre secteur particulièrement industrialisé, mon père décida de louer provisoirement une maison à Saint-Maur, situé à l’opposé, en banlieue sud-est de Paris (Colombes est en banlieue nord-ouest), beaucoup moins industrialisée et donc théoriquement beaucoup moins soumise aux bombardements meurtriers. Quelques jours après notre installation à Saint-Maur, nous sommes retournés, avec ma mère et ma sœur, à notre maison de Colombes pour y récupérer quelques affaires. Au retour, dans le métro, nous avions des sacs et tenions notre chien Lolo en laisse. Soudain, à la station Châtelet, le chien s’affola, tira sur sa laisse que nous tenions à peine et suivi la foule qui descendait. Le temps de réagir, les portes se refermèrent et le métro démarra. Assis en face de nous, il y avait deux soldats allemands qui riaient comme des fous en voyant notre désarroi. Nous sommes descendus à la station suivante et sommes revenus à Châtelet pour chercher le chien, mais en vain, Lolo avait disparu et personne n’avait rien remarqué. Nous sommes rentré à la maison de Saint-Maur le cœur gros.

Quelques semaines plus tard, un soir, alors que nous étions à table, un aboiement devant notre porte attire notre attention. Ma sœur s’écrie : « c’est Lolo ! ». C’était bien notre chien, très amaigri, sans sa laisse. Ce fut une véritable fête. Qu’avait-il fait pendant tout ce temps, était-il retourné à Colombes ? Comment, par quel instinct a-t-il trouvé le chemin ? Il y a tout de même plus d’une trentaine de kilomètres entre Colombes et Saint-Maur. Quant à la station Châtelet, elle est située en plein centre de Paris. Comment s’est-il dirigé à partir du quai du métro ? Par son flair ? Par son 6e sens ?

La suite de l’histoire de Lolo : En 1947, il y a tout juste 70 ans, mon père décida de partir, avec tant d’autres Franco-Arméniens, en Arménie soviétique. Mais arrivés à Marseille, on nous prévint qu’il était interdit de monter avec un chien sur le bateau « Rossia », et qu’il serait jeté à la mer dans le cas où on le découvrirait sur le bateau. La volonté de partir en Arménie étant infaillible, nous nous séparâmes définitivement de Lolo en le confiant à Marseille à une amie de ma mère.

A notre retour en France en 1965, après le premier relâchement du « rideau de fer », nous demandâmes à l’amie de ma mère des nouvelles de notre chien. Elle nous avoua l’avoir abandonné dans la forêt, après notre départ, car elle ne supportait plus ses pleurs. Jeté sans scrupule dans la nature, Lolo nous a-il encore cherché en 1947, comme il l’avait fait en 1943 ? De toute façon, il n’avait cette fois aucune chance de nous retrouver.

Quant aux bombardements, celui que nous avons subi à Saint-Maur fut de loin le plus terrible et le plus meurtrier, depuis le début de la guerre. C’était quelques mois avant le débarquement et les Américains avaient décidé de mettre le paquet sur les régions industrialisées. Malheureusement pour nous, les bombardiers américains avaient confondu la Marne avec la Seine (tel qu’expliqué par la radio de Londres le lendemain) et une partie de Saint-Maur fut complètement rasée. Pendant ce bombardement meurtrier, nous nous tenions blottis et enlacés tous les quatre, ainsi que Lolo, dans un coin de la maison. Nous entendions les bombes siffler avant d’exploser. Le lendemain, à l’école, il manquait une partie des élèves morts sous les bombardements. Ma sœur attrapa une jaunisse et mon père décida de quitter rapidement cette location.

Quelques mois plus tard, le 6 juin 1944, jour de mes dix ans, c’était le débarquement.
Le 19/05/2017
Jean V. Guréghian

BIOGRAPHIE & INFORMATIONS
Nationalité : France 
Né(e) à : Paris , 1934
Biographie : 

Jean Gureghian émigre en Arménie soviétique en 1947 et revient en France en 1965. Jean V. Guréghian est l'auteur de plusieurs livres dont le " Golgotha de l'Arménie mineure " et " L'Arménien sans peine ". Architecte diplômé de l'Institut polytechnique d'Erevan (Arménie), il est aussi musicien de jazz et peintre. Jean Guréghian est l’un des pionniers de la peinture abstraite en URSS. Avec son épouse, il a entrepris de traduire en arménien les albums de Tintin.
En 1970 il est inscrit à l’Ordre des Architectes de France. Il est l'auteur de nombreuses réalisations en Arménie, en France et en Afrique, notamment : des immeubles d’habitation, des Bâtiments industriels, des hôpitaux. 

Source : http://www.bibliomonde.net/

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