Mon entrée dans le monde du travail
Ah ! Les secrétaires ! ... Et ceux qui gravitent autour !
Fraîches émoulues de l'école commerciale rue Monceau à Paris, diplômes en poche, deux de mes amies de cours et moi, "sponsorisées" par notre prof d'Anglais - et grâce à l'appui de son neveu lui-même employé dans la société qui nous recruta - sans même prendre le temps de savourer des vacances bien méritées (c'était en juillet) - le coeur gonflé d'une fierté que nous procurait notre nouvelle importance, nous entrâmes dans le monde du travail !
Papillonnantes, légères, bustes moulés et tailles serrées, jupes voltigeantes, sourires ravageurs, nous fîmes notre entrée dans l'univers - masculin en majorité - d'une société juridique et fiscale ! Nous y apprîmes la poésie du langage du Droit en même temps que nous découvrîmes la concupiscence de certains des agents qui sollicitaient notre savoir-faire (prise en sténo du courrier). " Ah, disait l'un d'eux, plus les robes sont jolies, plus elles nous donnent l'envie de les ôter" ! ; un autre "seriez-vous libre pour ce week-end ? Je connais une petite auberge charmante ..."(à noter qu'ils étaient mariés ces prétendants à l'embarquement pour Cythère !).
Néanmoins, nous quittâmes intactes ces premiers lieux de l'apprentissage de la vie active, et le trio que nous formions, se défit, chacune ayant à suivre sa propre voie.
Cette fois - c'était facile à cette époque de trouver un emploi - j'entrai dans l'univers de l'édition. Et je devins l'unique employée de la revue "L'Aventure sous-marine" dirigée par un homme passionné d'activités et de sciences sous-marines. J'étais la maîtresse des lieux (une pièce exiguë juste assez grande pour contenir nos deux bureaux) où j'arrivais de plus en plus régulièrement en retard, encouragée par le silence bienveillant de mon employeur, à cet égard. Il savait que le travail qu'il me confiait n'en pâtirait pas, mais tout de même ! Je me levais aux aurores pourtant, mais il fallait toujours que j'accomplisse toutes sortes de tâches avant de quitter l'appartement. J'étais nouvellement mariée et sans enfant encore, je n'avais même pas l'excuse d'être retenue par des obligations impératives.
Des journalistes fréquentaient le bureau, auteurs d'articles sur les nouvelles techniques de plongée, les travaux sous-marins, les progrès réalisés dans la conception de matériels ouvrant la voie à l'exploration des océans. Les travaux de Jacques Yves Cousteau, les plongées en eau profonde du bathyscaphe Archimède, occupaient souvent les colonnes de la revue et n'avaient plus de secrets pour moi.
La Rédaction de la revue "Le Trident" organe de diffusion publicitaire du Club Méditerranée - club né d'une vision géniale et avant-gardiste de Gérard Blitz, créateur de villages de vacances estivales et de sports d'hiver tant en France qu'à l'étranger - occupait des bureaux voisins dont un petit couloir nous séparait. Cette promiscuité favorisait des échanges dont je garde un magnifique souvenir : la mise en page des articles, photos des villages et des activités proposées confiée à un rédacteur de grand talent Gérard Blanchard , nécessitait aussi la collaboration de dessinateurs, graphistes, journalistes, dont la fréquentation et l'amitié furent très formatrice pour la novice que j'étais.
La plupart de ces journalistes se montraient très prévenants à mon égard ; l'un d'eux m'offrit un poème : "On lui disait Madame au téléphone"et le recueil dédicacé qui le contenait. J'en fut touchée et flattée.
Outre les articles pour notre revue, Jean-Albert Foëx (le directeur) écrivait pour une revue naturiste : j'entrais cette fois dans le monde naturiste dont les adeptes fréquentaient l'île du Levant. Jean-Albert s'y rendait parfois ce qui me donnait l'occasion de lui écrire pour le tenir informé de la bonne marche du bureau. Je sus plus tard, un jour qu'une de ses amies lui rendait visite, qu'il aimait beaucoup recevoir la "gazette" émaillée d'anecdotes que je lui envoyais : "C'est donc vous la perle dont il nous parle ! Il adore recevoir vos lettres!". Ce fut une découverte pour moi : comprendre, toute proportion gardée, qu'on pouvait prendre plaisir à me lire !
Lorsque j'attendis ma fille et qu'il fut question, le terme approchant de mon départ, sans retour, il me dit mécontent : Il (mon mari) aurait pu attendre ! (Nous la voulions notre petite !) - Comment s'appellera-t-elle ? - Isabelle. Il ironisa gentiment : Ah ! ce sera une marrante alors : hi-hi ! (Isabelle Yvos).
Il ne s'est pas trompé, mon Isabelle est facétieuse !
Lorsqu'il engagea une nouvelle secrétaire, et la première fois qu'elle arriva avec cinq minutes de retard, il la gratifia d'une remarque cinglante : que ce soit la première et la dernière fois ! (Me rapporta la secrétaire - et amie - du Club Med voisine de bureau, avec laquelle j'avais gardé des liens.)
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