EDITORIAL
Emmanuel Macron vole au secours d’Erdogan, par Ara Toranian
Compte tenu du bilan de M. Erdogan en matière de droits de l’homme, on ne pouvait décemment pas s’attendre à ce que le président français justifie ouvertement, au nom de l’amitié franco-turque revendiquée, le climat de terreur qui est en train de s’installer dans ce pays placé 151e sur 180 dans le classement RSF sur la liberté de la presse. Ni non plus qu’il plaide en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’Europe. Nous n’en sommes certes pas là. Il n’empêche que, dans le registre du possible, le chef de l’Etat français a montré à l’occasion de la visite d’Erdogan à Paris le 5 janvier, son inclination à lui complaire, en dépit de sa brutalité affichée.
Tout d’abord en l’invitant à Paris, alors qu’il est rejeté par la majorité de nos partenaires européens, dont l’Allemagne. Ce qui a pour effet d’ouvrir une brèche dans la relative fermeté européenne à l’endroit du despote et à renforcer ainsi ses positions. Ensuite, en cautionnant d’une certaine manière le discours qui consiste à mettre sur un pied d’égalité le PKK et Daech. Un parallèle difficilement acceptable entre une organisation qui livre une guerre mortelle contre l’Occident et une autre qui combat l’oppression de son peuple par Ankara, quelles que soient par ailleurs les critiques et les condamnations qu’appellent ses méthodes de lutte. Cet amalgame ne peut que servir la politique de M. Erdogan, qui justifie ses menées liberticides au nom d’un usage abusif du concept de « terrorisme ». Une tactique éculée consistant à marquer du sceau de l’infamie tous les ennemis du régime pour mieux les disqualifier.
Enfin M. Macron, qui nous avait habitué à plus d’audace avec d’autres chefs d’Etat étrangers, s’en est tenu au minimum syndical sur la question pourtant cruciale des droits de l’homme dans ce pays avec lequel il préconise une sorte de partenariat privilégié. Quant aux problématiques arméniennes ou chypriotes, elles semblent avoir été totalement évacuées.
Sans bien sûr plaider pour une relance des négociations de la Turquie en Europe, difficiles étant donné les circonstances, il apparaît que le chef de l’Etat a fait son possible pour affranchir Erdogan de la position de hors-jeu démocratique dans lequel il s’est lui-même placé, du fait de ses multiples atteintes aux libertés. Il ne semble pourtant pas que ce soit avec le laxisme et l’opportunisme mercantile, maintes fois expérimentés en vain dans le passé, que l’on fera sortir la Turquie de l’ornière fascisante. La conférence de presse Erdogan-Macron qui a débuté avec la signature d’un contrat d’armement a hélas donné le ton, en montrant quel était l’ordre des priorités de la nouvelle politique française à l’égard de la dictature turque. Si c’est ça le Nouveau Monde, il a intérêt à courir vite. L’ancien est déjà en train de le rattraper.
vendredi 5 janvier 2018,
Ara ©armenews.com
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